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qu’il n’a pas établi un mode de gouvernement normal et commencé de résoudre les problèmes sociaux et nationaux qui si ; posent devant lui, la formation d’une confédération orientale générale ne nous paraît guère possible. Si une alliance générale venait à être conclue, nous ne croyons pas qu’elle puisse être durable ; elle ne serait qu’un expédient temporaire, une sorte d’armistice destiné à donner le change, à endormir les vigilances pour se mieux préparer, de part et d’autre, à une crise décisive.

Des ententes ou des alliances restreintes entre Etats balkaniques et danubiens paraissent plus vraisemblables. Certains événemens de ces derniers mois pourraient faire supposer que l’on s’achemine vers une solution de ce genre. Les trois Etats slaves, Bulgarie, Serbie, Monténégro, seraient l’élément fondamental d’une telle combinaison. Il est peu probable que la Grèce y entrerait. Quant à la Roumanie, il dépendrait d’elle, par son adhésion ou son abstention, de paralyser, ou de libérer pour l’action, l’union des trois Etats slaves. Celle politique d’entente danubienne pourrait commencer par un Zollverein (union douanière) avec un Zollparlament. L’accord des petites puissances slaves, s’il allait jusqu’à une alliance militaire, serait dirigé contre l’Empire Ottoman ; il s’agirait soit de chasser les Turcs d’Europe, soit seulement d’intervenir en faveur des chrétiens de Macédoine. Nécessairement, dans le cas d’une combinaison de ce genre, ni la Russie ni l’Autriche ne pourraient s’en désintéresser ou en être exclues ; leur politique interviendrait encore dans les affaires balkaniques et y exercerait probablement une influence prépondérante. On aperçoit se dessiner, dans cette hypothèse, deux solutions : ou une entente entre l’Empire austro-hongrois et la Bulgarie pour un partage d’influence dans les Balkans, ou une entente entre la Bulgarie et la Serbie, sous les auspices de la Russie, avec la neutralité bienveillante de la Roumanie.

A la regarder de près, la formule : « le Balkan aux peuples balkaniques » est surtout séduisante quand on se place au point de vue de l’Europe ; elle supprimerait d’un coup toutes les difficultés de la question d’Orient, elle atténuerait les rivalités anciennes qui ne s’exaspèrent que quand les intérêts ou les ambitions des grandes puissances entrent en jeu dans les Balkans. L’Europe sans question d’Orient ! Quelle sinécure deviendrait la diplomatie ! De loin, cet idéal paraît si facile à réaliser ! Ne