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La Roumanie enfin trouverait dans une confédération balkanique un appui matériel et moral considérable pour le cas où le sort des Roumains de Transylvanie et du banat de Temesvar provoquerait de graves dissentimens entre elle et la Hongrie. Enfin est-il besoin de démontrer que la Turquie, théâtre classique des « interventions » qui, destinées à la protéger, ont eu souvent pour premier effet de consacrer son démembrement, serait la première intéressée à entrer dans une confédération ou dans une alliance qui aurait pour but de réserver les affaires balkaniques aux peuples de la péninsule ; elle serait garantie contre toute ingérence indiscrète ; elle serait libre de poursuivre dans la paix, dans la sécurité, son laborieux effort de régénération « à l’européenne. » Si elle y réussit, si elle parvient, par des réformes sociales et administratives, à gagner les sympathies des nationalités qui, jusqu’ici, poursuivaient leur affranchissement, elle acquerra naturellement, parmi ses confédérés, une influence que la force des choses rendra bientôt prépondérante. Si, au contraire, elle y échoue, la condamnation si souvent et si prématurément prononcée deviendra enfin exécutoire ; elle se verra forcée d’abandonner l’Europe aux populations chrétiennes et d’aller se reformer en Asie, « à la turque. » Les peuples de la confédération n’auront plus qu’à liquider entre eux, sans intervention étrangère, la succession vacante.

Il serait facile de prolonger ce tableau des avantages que la réalisation d’une confédération balkanique apporterait à toutes les populations de la péninsule, à l’Europe et au monde. Déjà » avant les événemens qui, en Turquie, ont si profondément changé l’aspect de la question, M. Pirotchanatz concluait ainsi la brochure dont nous citions tout à l’heure un passage :


Pour parer aux dangers qu’un avenir prochain peut leur apporter, tous les États orientaux ont donc le devoir absolu d’arriver le plus tôt possible à une alliance politique. Cette alliance, d’un caractère purement défensif, ne saurait porter ombrage à personne, excepté à ceux qui pensent à des conquêtes. Si le but que poursuivent la Russie et l’Autriche dans la péninsule est vraiment désintéressé, comme la diplomatie et la presse de ces deux pays le disent à tout propos, cette union des Balkans serait avantageuse à leurs intérêts, puisqu’elle supprimerait le prétexte de conflit le plus apparent qu’on prétend trouver aujourd’hui dans l’ingérence de la diplomatie de l’une ou de l’autre de ces deux grandes puissances, dans les affaires, soit de la Serbie, soit de la Bulgarie…

… Nous sommes convaincus qu’il n’y a plus d’illusions ni d’espérances à