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la solution du problème oriental. Rome, comme au temps de Paul-Emile, apporterait en Orient la civilisation latine. Le rêve épique du prince de Monténégro serait réalisé : « l’Impératrice des Balkans » serait sa propre fille.

Ce plan, ingénieusement étudié, est curieusement révélateur de certaines tendances. A peine est-il besoin de dire que son vice capital serait, sous prétexte d’écarter des Balkans l’Autriche et la Russie, d’y introduire l’Italie, qui ne serait pas plus discrète. L’heure de l’Empire latin de Constantinople est passée depuis sept siècles et ne reviendra pas.

En Occident aussi, des projets de confédération balkanique ont vu le jour ; ils ont, en général, le mérite d’être désintéressés et l’inconvénient de rester nécessairement platoniques ; ils se rattachent presque tous au mouvement d’idées libéral, révolutionnaire même, internationaliste et pacifiste. La question d’Orient étant une source de conflits et d’armemens, il était naturel que les penseurs généreux qui cherchent la pierre philosophale de la paix universelle cherchassent à la résoudre ; il n’est pas surprenant non plus qu’ils n’y soient pas encore parvenus. La Ligue internationale de la Paix et de la Liberté, dans plusieurs de ses congrès, notamment ceux de 1869, 1876, 1877, 1886, a préconisé l’idée d’une confédération balkanique. Le 12 septembre 1886, elle concluait ainsi : « Le moyen le plus net et le plus efficace de se soustraire aux convoitises malsaines, serait celui d’une organisation fédérative sanctionnée par une neutralité garantie par l’Europe. Tel est l’idéal, tel devrait être le but des efforts des peuples balkaniens et de tous les Cabinets soucieux de l’équité. » A Paris, en 1895, s’est fondée une Ligue pour la Confédération balkanique[1]avec le concours de la Ligue internationale de la Paix et de la Liberté. Son président, M. P. Argyriades, cite parmi les ancêtres ou les patrons de l’idée de confédération balkanique : Michelet, Louis Blanc, Quinet, Lamartine, Saint-Marc Girardin, Cattaneo, Garibaldi, Charles

  1. Voici les articles 2 et 3 des statuts :
    « Art. 2. — Le but de la Ligue est de poursuivre la réalisation d’une confédération de tous les peuples de l’Europe orientale et de l’Asie Mineure.
    « Art. 3. — Ces peuples s’énumèrent ainsi : 1er la Grèce avec l’île de Candie ; 2e la Serbie avec la Bosnie-Herzégovine ; 3° la Bulgarie ; 4° la Roumanie ; 5° le Monténégro ; 6° la Macédoine et l’Albanie, qui formeraient un État libre et fédératif ; 7° la Thrace avec Constantinople comme ville libre et siège des délégués des États confédérés ; 8° l’Arménie et l’Asie Mineure avec les îles de son littoral. » Voyez Un latin, p. 174.