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Tsar et du roi d’Italie à Racconigi les 23-25 octobre 1909 marquent les étapes et les progrès de cette idée[1]. Déjà, vers 1904, entre Ricciotti Garibaldi et le Dr F. Pavicilch, de Croatie, aurait été étudié, dans des négociations officieuses, un projet de confédération balkanique destiné à faire échec à la poussée germanique. À ce mouvement d’idées se rattache le livre curieux publié en France, en 1905, sous le pseudonyme « Un Latin, » par un personnage roumain[2]. L’auteur, prenant pour point, de départ l’irrémédiable décadence des Turcs en Europe, propose de les remplacer par une confédération orientale dans laquelle entreraient les Etats actuels de la péninsule, et, en outre, une Macédoine-Albanie qui s’étendrait de l’Adriatique à la Mesta. La Crète serait annexée à la Grèce. Le sandjak de Novi-Bazar serait partagé entre le Monténégro et la Serbie, de manière à fermer, devant les ambitions autrichiennes, la route de la Macédoine et de Salonique. La Roumanie entrerait dans la confédération à cause de la Dobroudja et des Valaques du Pinde qu’elle ne pourrait pas abandonner. L’hégémonie de la confédération n’appartiendrait ni à l’hellénisme, ni au slavisme, ni au germanisme ; leurs compétitions cesseraient devant le triomphe du latinisme. Un prince italien régnerait sur l’Etat Macédono-Albanais. Le roi d’Italie, proclamé Empereur, deviendrait le protecteur de la confédération qu’il aurait pour mission de garantir contre les ambitions de la Russie aussi bien que de l’Autriche. Constantinople serait ville libre, avec la Thrace pour banlieue, et serait gouvernée par un lieutenant impérial ; la croix de Savoie flotterait au-dessus de Sainte-Sophie ; la langue italienne serait la langue de la confédération. Chaque Etat conserverait son autonomie, son souverain, son année, son drapeau, sa représentation diplomatique, comme dans la Confédération germanique après 1815 ; une diète fédérale se réunirait pour la première fois à Rome, et ensuite dans une ville qu’elle-même choisirait, Salonique par exemple, jusqu’à ce que, la situation légale de Constantinople et sa sécurité militaire étant bien assurées, la capitale fédérale pût y être établie. Ainsi serait enfin trouvée

  1. « Le rapprochement de la Russie et de l’Italie est désormais un fait accompli dont, de plus en plus, se révélera l’importance dans l’avenir, » disait, en décembre 1908, M. Tittoni à la Chambre des députés ; et, quelques jours après, M. Isvolski s’en félicitait, à la Douma, dans les mêmes termes.
  2. Une confédération orientale comme solution de la Question d’Orient. Plon, 1903, in-12.