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Voici, maintenant, l’illustre Gerson qui apporte, avant de mourir, à la cause de la Pucelle et surtout à la cause du Roi, l’appui de son immense autorité (III, 298) ; enfin, ce Jacques Gélu, archevêque d’Embrun : en courtisan habile et diplomate avisé, s’étant mieux renseigné sur la volonté du Roi, il rédige, en même temps que Gerson (mai 1429), un mémoire, non moins catégorique, en faveur de la Pucelle (Procès, III, 393, V, 473).

Il n’est pas difficile de discerner les attaches de la plupart de ces hommes qui vont faire groupe autour de Jeanne et qui la cautionnent de leur loyauté et de leur autorité. Ce sont, en général, les adversaires de l’Université de Paris, les frères prêcheurs et mineurs qu’elle combat en toute occasion, puis ceux de ses suppôts qui se sont séparés pour suivre la cause royale, les bannis, les réfugiés, en un mot, les « gens de Poitiers, » à qui le Roi se confie parce qu’il les connaît sûrs. Car, c’est à Poitiers que se morfondent, dans la douleur et dans l’attente tant de dévouemens éprouvés qui ont tout quitté pour suivre la cause royale et nationale, tandis que là-bas, à Paris, les rivaux, les « Bourguignons » étalent le succès de leurs calculs et l’insolence de leur trahison[1].

Jeanne rendait du cœur à tous ces braves gens, découragés, déprimés, qui, sous prétexte de l’interroger, étaient trop heureux de l’entendre, leur adressant cette parole de foi et de confiance : « Dieu est avec vous ; vous vaincrez parce que votre cause est sa cause ! »

Que les hommes pieux qui entouraient, à ce même moment,

  1. V. de Neuville, Le parlement royal à Poitiers. Revue Historique 1878 et Saint-Albin, Les juges de Jeanne d’Arc à Poitiers. — Voici les noms des principaux conseillers du Roi qui furent chargés d’interroger la Pucelle à Poitiers : Regnault de Chartres, archevêque de Reims et chancelier du royaume, Gérard Machet, confesseur du Roi, plus tard évêque de Chartres, les évêques de Senlis (Simon Bonnet), de Poitiers (Hugues de Combarel), de Maguelonne, maître Pierre de Versailles, abbé de Talmond (qui mourut, plus tard, évêque de Meaux, une des plus grandes autorités du temps, maître Jean Lombart (ou Lambert), professeur de théologie à l’Université de Paris, Guillaume Le Maire, chanoine de Poitiers, Guillaume Aymeri, professeur de théologie, de l’ordre des frères prêcheurs, frère Pierre Tulerure, dominicain (plus tard évêque de Digne), maître Jacques Madelon, maître Jean Erault, professeur de théologie qui tint la plume pour la lettre de Jeanne d’Arc aux Anglais, le docteur en théologie, Pierre Seguin et son homonyme Seguin de Seguin, de l’ordre des frères prêcheurs, Mathieu Ménage, Guillaume Le Marié, bachelier en théologie, etc., etc. Il est à remarquer que le Roi lui-même vint à Poitiers pour avoir l’œil sur ces gens qui étaient par leurs intérêts et leur position des royalistes déclarés. (Procès, 111, 19, 14, 92, 102, 203, etc.)