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c’était une « addication » de Charles VII, « et que le Roi s’était soumis à leur ordonnance. »

Richemont s’empare du pouvoir. Il chasse, sans coup férir, les vieux conseillers du Dauphin, les Armagnacs sanglans et dépravés, le président Louvet, Tanneguy-Duchâtel, le chirurgien Cadart, « gens de bas et petit lieu qui ont pour convoitise de gouverner et d’attirer à eux les chevances du royaume. » Richemont affiche son programme, aussi clair que possible : « confirmer, conclure et appointer du tout le fait de la paix, ensemble aviser pour pourvoir aux choses nécessaires au relèvement du royaume et union des seigneurs du sang de mondit seigneur, mettre sus justice et ôter toute roberie et pillerie[1]. »

La capitulation complète de la royauté fut réglée dans l’entrevue de Saumur, entre Charles VII et Jean VI duc de Bretagne (octobre 1425), entrevue qui fut le nœud de cette extraordinaire combinaison. « Le Roi lui a dit et fait dire, comme à son plus proche, qu’il vouloit dorénavant, en ses affaires personnelles et en ce qui concernoit le royaume, se laisser gouverner par lui et suivant son conseil. » Le duc de Bretagne déclare au Roi qu’il n’a d’autre conduite à suivre que celle-ci : « 1° se mettre à son devoir pour réduire et rallier à lui ceux de son sang ; 2° principalement le Duc de Bourgogne ; 3° pour arriver à faire, au Duc de Bourgogne, des offres convenables, prendre pour bons les articles rédigés par le duc de Savoie (en décembre 1424) et recourir à l’intermédiaire du duc de Savoie et de lui-même, duc de Bretagne ; 4° pour remplir son devoir envers Dieu et sa conscience, faire des offres raisonnables aux Anglais, et s’en rapporter, à ce sujet, au duc de Bretagne, et abandonner audit duc le gouvernement des finances du pays de Languedoïl… etc. (c’est-à-dire des seuls pays qui payaient encore des subsides réguliers à la royauté)[2]. »

Les sermens furent échangés. Richemont régna. La politique de l’aristocratie apanagère triomphait.

Richemont régna de 1425 à janvier 1428.

Il semble bien que c’est au fond de l’âme de Charles VII que se fit la première résistance royale et française. Il avait laissé faire, ne pouvant résister. Mais, pendant près de trois ans, sans savoir très bien ce qui se passerait et sans vouloir fortement (car

  1. Cosneau, Le connétable de Richemont, p. 93 et suivantes.
  2. Beaucourt, Histoire de Charles VII, tome II (p. 113).