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dans le Midi[1]. En tant que comte de Richemont, il est le vassal du roi d’Angleterre. Sa mère a épousé, en secondes noces, Henri V. Au retour d’une longue captivité dans l’île, il reste, d’abord, fidèle à la cause anglaise. C’est seulement à la mort de Henri V qu’il se brouille avec le duc de Redford[2]. Mais il a épousé, en octobre 1423, une sœur du Duc de Bourgogne et a lié partie avec celui-ci, au moment où ses nouvelles ambitions le portent à se rapprocher du dauphin Charles.

L’origine de l’affaire est dans un pacte conclu à Amiens, le 17 avril 1423, et où s’étaient rapprochés le Duc de Bourgogne, le duc de Bedford, le duc de Bretagne, le comte de Foix et Richemont. Par le Duc de Bourgogne, le duc de Savoie et la reine Yolande étaient dans le secret. Combinaison formidable. Ces puissantes convoitises s’étaient rapprochées parce qu’elles comptaient avoir une proie digne d’elles à se partager : à savoir ce qui restait de puissance et de substance à la royauté.

Celle-ci est au plus bas ; la bataille de Verneuil (17 août 1424) la réduit à merci. Le dauphin Charles est au désespoir, il mendierait à genoux la paix. La reine Yolande lui conseille de s’adresser au duc de Bretagne dont les relations avec la Bourgogne et avec l’Angleterre peuvent lui procurer des adoucissemens de la part du vainqueur. Richemont s’offre comme intermédiaire. Le Dauphin, pour échapper au plus proche péril, livre son gouvernement et sa personne aux grands : c’est le salut par la concession et le renoncement.

Richemont subordonna son adhésion à l’agrément du Duc de Bourgogne. Il alla passer un mois auprès de son beau-frère avant de se décider. L’entente de Montluel entre Savoie, Bretagne, Richemont, avec la coopération du Duc de Bourgogne, posa les conditions acceptées par Charles ; et quand Richemont reçut, le 7 mars 1425, l’épée de connétable, devant l’assemblée des Etats généraux réunis à Tours, il y eut un sentiment général que

  1. M. Samaran, dans son livre sur la Maison d’Armagnac, a établi que peu s’en fallut qu’on ne vit renouveler, dans le Midi, ce qui s’était passé, dans le Nord, avec la maison de Bourgogne. Le roi d’Angleterre rechercha l’alliance de Jean d’Armagnac et offrit même de marier son fils avec la fille de ce puissant seigneur.
  2. Sur le moment où Richemont se sépare de la cause anglaise, voyez une note de M. Germain Lefèvre-Pontalis dans Revue de l’École des Chartes, septembre octobre 1895 (p. 437). L’autour qualifie en termes heureux et justes « les oscillations du prince breton, son humeur ondoyante et ses desseins ambigus… » « les détours compliqués et tortueux de son caractère et de sa politique… » p. 411).