Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 57.djvu/695

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous puiserez ces grands traits qui détacheront vos enfans de cet amour de soi qui avilit, qui leur inspireront en même temps cet esprit de générosité qui fait les grandes âmes, qui porte aux plus grands sacrifices pour l’intérêt public. »

Le Concile continue en prodiguant les conseils aux pères et, aux mères ; il leur indique même une assez longue liste de bons livres entre lesquels ils pourront choisir ; puis il s’adresse aux enfans eux-mêmes, dont la destinée, dit-il, « est d’être la ruine ou la résurrection de notre France, hélas ! si malheureuse depuis tant d’années. C’est en vous, leur dit-il, que la République met toutes ses espérances. » Et la lettre synodique finit de la manière suivante :

« Le Concile, considérant combien il est instant d’organiser et de mettre en activité les écoles chrétiennes, dans ces circonstances où l’éducation est si négligée, décrète… » Suivent les articles du décret du Concile, qui sont ceux de la seconde Encyclique[1]. Il est dit enfin que « la présente lettre sera lue dans toutes les paroisses de l’Eglise de France, le dimanche qui en suivra immédiatement la réception. »

Ce manifeste des évêques avait cette fois toute la publicité possible ; il était considéré par beaucoup de Français comme une loi de l’Eglise de France ; et, si modérée qu’en pût être la forme, c’était un réquisitoire contre les écoles publiques telles que les voulait le gouvernement. C’était un appel à la résistance, et une exhortation à déserter les écoles de l’Etat au profit des écoles particulières, qui leur faisaient une si redoutable concurrence. On était alors au lendemain du 18 fructidor ; les Droits de l’homme et la Constitution de l’an III étaient outrageusement violés par le gouvernement. Néanmoins, ceux qui déportaient à Sinnamari soixante députés suspects de royalisme, ceux qui supprimaient jusqu’à la liberté de la presse, ne déportèrent aucun des évêques signataires du manifeste anti-scolaire ; ils leur permirent de terminer paisiblement leurs travaux de restauration religieuse, et de retourner ensuite dans leurs diocèses, où ils ne manqueraient pas d’obéir aux prescriptions du Concile et de combattre les instituteurs de l’Etat. C’est assurément un spectacle curieux, d’autant plus qu’on ne saurait attribuer cette inconséquence à la mansuétude du Directoire. Il pouvait frapper

  1. Il y a quelques modifications très légères et quelques additions ; l’article relatif aux vacances est supprimé.