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conséquent tous les prêtres et toutes les ci-devant religieuses, sous prétexte que, pour bien élever les enfans, il fallait en avoir soi-même, ou à tout le moins être en passe d’en avoir. Le ridicule lit justice d’un semblable projet de loi. Alors le gouvernement institua des commissions pour examiner les futurs instituteurs, et des commissions de surveillance chargées de voir :

1° Si les maîtres particuliers avaient soin de mettre entre les mains de leurs élèves, comme base de la première instruction, les Droits de l’homme, la Constitution, et les livres élémentaires qui avaient été adoptés par la Convention ;

2° Si l’on observait les décadis, si l’on y célébrait les fêtes républicaines, et si l’on s’y honorait du nom de citoyen.

En cas de désobéissance, et même pour arrêter et pour prévenir les abus, les administrations municipales étaient autorisées par la loi (Bulletin des lois, n° 1710 ; 17 pluviôse an VI) à ordonner « la suspension ou la clôture de ces écoles, maisons d’éducation et pensionnats. »

Mais l’opinion publique est parfois comme un torrent dont rien ne peut arrêter la course. Les Français de 1796 ne voulaient pas de l’école sans religion que le gouvernement prétendait leur imposer ; les instituteurs de l’Etat, souvent irréligieux, se voyaient de plus en plus délaissés, et les écoles particulières prospéraient de plus en plus. Dans le seul département du Doubs, on finira par compter, en 1799, 386 écoles particulières contre 90 écoles publiques[1].


Revenons maintenant à nos évêques, observateurs attentifs de tous les faits qui viennent d’être signalés. Leur seconde Encyclique, répandue à profusion, avait tiré le clergé patriote de la léthargie où l’avait plongé la Terreur. Evêques, presbytères administrant les diocèses sans évêque, curés de toutes les régions adhérèrent successivement à l’Encyclique ; elle fut jusqu’à nouvel ordre leur guide et, comme ils disaient, leur boussole. C’est par milliers que Grégoire reçut des félicitations et des remerciemens à son sujet. Les évêques réunis continuèrent donc à diriger le mouvement de réorganisation du culte. Ils conçurent même le hardi projet de tenir à Paris un concile national, ce qui ne s’était pas vu depuis des siècles, et après bien des efforts,

  1. Sauzay, cité par M. Albert Babeau : l’École de village sous la Révolution.