Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 57.djvu/686

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les en empêcher, car la loi ignorait systématiquement qu’ils étaient prêtres ; elle ne voyait en eux que des citoyens comme les autres, et, qui plus est, des citoyens officiellement « soumis aux lois de la République. » Le règlement des évêques réunis disait : « Le maître et la maîtresse d’école sont nommés par les paroissiens sur la proposition du curé. » Ainsi le curé, quand il se proposait lui-même pour être instituteur, avait la certitude d’être nommé par les paroissiens qui l’avaient jadis élu, et qui, après la Terreur, l’avaient spontanément redemandé.

Dans ces conditions, beaucoup d’écoles chrétiennes s’ouvrirent dès les premiers jours de 1796, et c’était souvent l’ancien presbytère qui servait de maison d’école. La correspondance de Grégoire fournit à ce sujet quelques indications précises venues de tous les points de la France ; en voici seulement deux ou trois. On lui écrivait du département de la Meurthe, en 1796 : « Dès l’hiver dernier, l’enseignement dans les écoles a été rétabli sur l’ancien pied. Alors nous avons arraché des mains des enfans ces livres impies qu’on leur fournissait. Les bons livres, le catéchisme du diocèse, les ouvrages de M. Rollin ont repris leur place, et les maîtres d’école ne peuvent plus en admettre d’autres. » A la même époque, le curé de Vannes écrivait de même, dans une lettre contresignée par son évêque : « Les enfans, négligés pendant la persécution, reprennent l’instruction. Les écoles publiques sont entre les mains de bons chrétiens qui ne permettent pas la lecture des mauvais livres. »

Cette résurrection de l’enseignement chrétien même dans les écoles publiques contraria vivement les hommes du Directoire, dont la plupart étaient, comme l’on sait, d’anciens conventionnels. Biffer l’article 300 et supprimer la liberté de l’enseignement, nul n’aurait osé le faire ; on essaya du moins de lutter, soit en favorisant les écoles de l’Etat, soit en mettant des entraves i à la constitution des écoles libres, dont beaucoup se trouvaient entre les mains des prêtres réfractaires et des pires ennemis du régime républicain.

En premier lieu, il parut indispensable d’épurer le personnel des écoles publiques ; on fit disparaître les maratistes et les énergumènes, qui furent remplacés par des hommes plus modérés ; les méthodes furent changées ; enfin et surtout, le gouvernement s’efforça de donner à ses écoles ce qui leur manquait le plus, des livres élémentaires acceptables pour les familles. Une loi de