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La seconde Encyclique, imprimée vraisemblablement à plusieurs milliers d’exemplaires, obtint le plus grand succès ; la correspondance de Grégoire avec tous les départemens en est la preuve indéniable. Il reçut plus de 20 000 lettres durant la seule année 1795, et celles qu’il a conservées dans ses cartons, au nombre de quinze à vingt mille, démontrent péremptoirement que son zèle et celui de ses collaborateurs ont immédiatement rétabli le culte, qu’ils ont amené en quelques mois la réouverture de 35 000 églises. Il est trop évident que les prescriptions de l’Encyclique ne furent pas appliquées toutes et partout ; et ce serait une sottise de dire que 35000 écoles furent annexées en septembre 1796 à pareil nombre d’églises. Mais dans toutes les églises desservies par les prêtres « soumis aux lois, » on lut, on commenta, on s’efforça d’appliquer dans la mesure du possible les différens articles du règlement des évêques sur les écoles chrétiennes, et, à dater de ce moment, l’ignorance cessa d’alléguer pour excuse l’immoralité de certains maîtres d’école.

La Constitution de l’an III décrétait la liberté absolue de l’enseignement à tous les degrés ; l’article 300 (titre X) disait en propres termes : « Les citoyens ont le droit de former des établissemens particuliers d’éducation et d’instruction. » L’Etat, qui organisait de son côté des écoles, ou qui du moins se proposait d’en organiser un jour, ouvrait ainsi de lui-même la porte à la libre concurrence, et ces deux simples lignes de l’article 300 furent pour le Directoire, quand il essaya de réagir et de retirer l’une après l’autre les libertés concédées par la Convention, une source d’embarras dont il ne put jamais sortir. Evoques et curés fondèrent à qui mieux mieux, à la grande joie des parens, des écoles, oh ! de petites et très petites écoles le plus souvent. Ils s’adressèrent aux instituteurs chrétiens qui avaient dû abandonner leurs fonctions au plus fort de la tourmente révolutionnaire, et ils leur adjoignirent des maîtres nouveaux, tirés des anciennes congrégations dissoutes. Il y a plus, et c’est là un fait bien curieux dont les divers historiens de l’Instruction publique pendant la Révolution semblent n’avoir pas eu connaissance, beaucoup de curés de village devinrent eux-mêmes instituteurs : ce leur fut un moyen d’échapper à la misère, cette plaie affreuse des ministres du culte sous le régime de la séparation. Curés le dimanche et les jours fériés, ils faisaient à la fois, durant les six jours de la semaine, l’école et le catéchisme. Nul ne pouvait