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français à Portsmouth, l’Exposition franco-britannique et les autres occasions qui permirent aux deux nations de déployer devant l’Europe et de resserrer leur intimité ne sont que des détails d’un plan conçu par le Roi pour donner à l’entente les dehors d’une amitié véritable. Mais ces embrassades publiques eussent été vaines si la France et l’Angleterre n’avaient montré une sérieuse résolution d’agir en commun et de se prêter l’une à l’autre un concours effectif. La convention du 8 avril 1905 fut la plus importante manifestation de ce genre : elle nous mit presque immédiatement en présence d’une opposition déclarée du côté de l’Empire allemand. C’est alors que nous fûmes sommés de soumettre à l’Europe les questions que la France, l’Angleterre, l’Italie et l’Espagne avaient cru régler entre elles. Irions-nous à Algésiras ? Si nous refusions d’y aller, quelles seraient les conséquences de cette résolution ? Au surplus, pourquoi ne pas y aller si l’on avait la certitude, ou la presque certitude, d’une majorité autour de la table de la conférence ? La France y alla donc et elle y trouva mieux qu’une majorité : une quasi-unanimité en sa faveur ; en sorte que le retour d’Algésiras fut un succès et l’on peut rappeler ces faits sans y mêler aucune amertume, à présent que l’Allemagne les a franchement acceptés. Nous aimons à penser que cet acquiescement final est spontané et que notre sagesse nous l’a justement mérité, mais il n’est pas défendu de supposer que les promenades du roi Edouard en Allemagne et en Autriche, ses causeries avec les souverains et les hommes d’Etat ont largement contribué à cet heureux résultat.

Restait au Roi à accomplir la partie la plus difficile de son œuvre, le rapprochement avec la Russie. La France s’y est prêtée de grand cœur, dès qu’elle a vu que, loin de mettre fin à son alliance avec la Russie, la nouvelle politique britannique allait tendre à resserrer les liens qui nous unissent au grand Empire du Nord. En Angleterre, l’entrevue de Revel et ses suites n’ont pas été comprises dès la première heure, parce que le public ordinaire est lent à s’apercevoir que les actions indirectes sont, en politique, plus efficaces, bien souvent, que les actions directes et que l’entente avec la Russie, en dépit des anciens préjugés et des nouveaux griefs, était un des plus sûrs moyens de contenir dans ses justes limites l’ambition allemande. Mais chaque jour rendra ce fait plus évident à tous les