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été arrêté à Londres avant son départ : elles ont, depuis, été réalisées et ont contribué à l’apaisement des esprits. Le Roi visita Naples en touriste et fut l’hôte de lord Rosebery dans sa villa du Pausilippe. A Rome, il allait se trouver en présence de certaines difficultés, connues d’avance et déjà résolues en principe. Il s’agissait de se faire un ami du jeune roi d’Italie, de maintenir cette clause qui est le point vulnérable de la Triplice, puisqu’elle immobilise la flotte italienne en cas de guerre avec l’Angleterre dans la Méditerranée. Ce but atteint, le Roi tenait à s’entretenir une fois encore avec le merveilleux vieillard du Vatican, qu’il admirait et dont il se savait apprécié. Le Roi manœuvra avec une aisance vraiment exceptionnelle, et la Cour de Rome, cette vieille école des diplomates, rendit hommage à son tact subtil, que Léon XIII, en cette circonstance, assista et doubla du sien, pour rendre possible une rencontre, également désirée des deux parts. Le Pape et le Roi, chef nominal de l’Anglicanisme, eurent donc ensemble une longue entrevue qui resta un des souvenirs les plus intéressans d’Edouard VII et qui eut, sans doute, d’importantes conséquences, bien que le public ne les ait pas, d’abord, aperçues.

En quittant Rome, le roi d’Angleterre prit la route de Paris. Il y avait, déjà, une détente sensible dans les relations entre les deux gouvernemens depuis le commencement du nouveau règne. Les questions qui avaient divisé la France et le Royaume-Uni depuis quinze ou vingt ans, question d’Egypte, question des pêcheries de Terre-Neuve, délimitation des zones d’influence respectives en Afrique, étaient arrangées ou en voie d’arrangement. Mais ce rassérénement graduel de l’atmosphère diplomatique n’avait point gagné les couches profondes de la population. Sans remonter aux souvenirs de 1870, un nom, présent à toutes les mémoires, Fachoda, rappelait une heure où l’amour-propre national avait été cruellement froissé. Remplacer cet état d’âme par un état d’âme opposé, l’amertume et la défiance que nous avait laissées l’affaire de Fachoda par une disposition favorable à un rapprochement effectif : telle est la tâche dont Edouard VII s’était chargé, tâche bien autrement ardue que la rédaction d’un protocole, et il faut reconnaître que, dans la distribution des rôles avec ses ambassadeurs et ses ministres, il s’était donné le plus difficile.

Il entra à Paris le 1er mai 1903. L’accueil qu’il y reçut fut