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elle paraissait visiblement transportée dans les airs sans que ses pieds touchassent les degrés… » Elle était dans sa sixième année quand elle sentit un vif désir d’imiter les solitaires d’Egypte. Ne sachant comment s’y prendre, elle sortit par une porte de la ville et vint à une grotte où elle fut ravie en extase. Elle y connut qu’elle ne devait pas encore quitter la maison paternelle… Elle était dans sa septième année quand, après avoir beaucoup prié la Reine des Vierges et des Anges, elle fit vœu de virginité… Elle eut, pour l’ordre des frères prêcheurs, un si grand respect que, quand ces frères passaient devant la maison, elle allait baiser dévotement la trace de leurs pas. Elle eut même l’idée de prendre des habits d’homme, comme autrefois sainte Euphrosine et d’entrer dans cet ordre pour travailler au salut des âmes… Elle se coupa les cheveux qu’elle avait fort beaux, pour prouver à sa famille qu’elle ne voulait pas se marier. » Quand ses ennemis l’attaquaient, elle disait : « Je mets ma confiance en Notre Seigneur et non pas en moi… »

« Un jour qu’elle priait avec larmes, le Sauveur lui apparut avec une couronne d’or dans une main et un diadème d’épines dans l’autre. Elle demandait sans cesse à Dieu un signe pour être bien assurée que ces visions n’étaient pas des tentations du Malin. Elle eut du Seigneur une réponse : « Il me serait facile d’instruire votre âme par inspiration à discerner entre les visions qui viennent de Dieu et celles qui viennent de l’ennemi. Les docteurs que j’ai instruits enseignent, et c’est vrai, que ma vision commence avec la crainte, mais qu’ensuite elle donne toujours une sécurité plus grande… C’est tout l’opposé avec la vision de l’ennemi… Il est nécessaire que, par l’effet de mes visions, l’âme devienne plus humble se connaissant mieux elle-même, et par-là se méprisant davantage. Le contraire a lieu dans les visions de l’ennemi. Comme il est le père du mensonge et le roi de tous les enfans de l’orgueil et qu’il ne peut donner que ce qu’il a, toujours de ses visions il résulte dans l’âme la propre estime et la présomption, ce qui est le propre de l’orgueil, et elle devient enflée et gonflée de vent… »

Catherine de Sienne commençait ses lettres par ces mots : « Au nom de Jésus crucifié et de Marie pleine de douceur[1]. » La légende de sainte Catherine s’accrédita très vite de par le

  1. Jeanne d’Arc faisait écrire sur son étendard Jésus Maria.