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Voici la grande chute appréhendée depuis des siècles, l’écroulement de l’Empire, Constantinople aux mains des Turcs :


La cité Constantine
Depuis vis envahir
De la gent Sarrazine
Qui la vinrent saisir
Et la tête coupèrent
Au vieillard Empereur.


Puis, on ne sait quelles inventions du Malin : la découverte de l’Imprimerie :


J’ai vu grand multitude
De livres imprimés ;


L’apparition de pays inconnus :


J’ai vu deux ou trois îles (les Açores),
Trouvées en mon temps
De chicanes fertiles
Et dont les habitans
Sont, d’étranges manières,
Sauvages et velus.
D’or et d’argent minières
Voit-on en ces palus.


Faut-il s’étonner, maintenant, que les spectateurs de ces faits extraordinaires acceptent tout de la fatalité, soit que la main de Dieu, soit que la griffe du diable s’appesantisse sur eux. Le monde ne leur est-il pas un continuel miracle ?


J’ai vu, chose inconnue,
Un mort ressusciter…
J’ai vu, vif, un fantôme ;
Un jeune moyne avoir
Membre de femme et d’homme
Et enfant concevoir ;
Par lui seul en lui-même
Engendrer, enfanter.
………


Que devient la règle, la norme ? Ni suite ni logique, pas plus dans l’histoire que dans la nature : tandis que les Turcs entrent à Constantinople, les Maures sont chassés d’Espagne. Les grands hommes, les papes, les rois, les évêques, les ministres, montent sur la scène et s’effondrent sous les tréteaux. Les ascensions