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JEANNE D’ARC[1]

II[2]
LA MISSION


I

Voici donc cette fille de dix-sept ans, à cheval, en habit d’homme, l’épée au côté, qui traverse la France pour aller à Chinon, trouver le Roi, celui qu’elle appellera « son gentil Dauphin, » tant qu’elle ne l’aura pas fait sacrer à Reims. Ainsi commence cette carrière qui, en moins de deux ans, par Orléans, Reims, Paris, Compiègne, la conduira au bûcher de Rouen : alternatives surprenantes qui relèvent si haut pour la précipiter au martyre.

Cette vie, elle l’avait devinée, annoncée, acceptée ; elle allait disant : « Je suis née pour cela ! »

Sur ce point, elle n’hésite jamais : elle est toute abnégation. Une volonté supérieure la pousse : « elle est envoyée de par Dieu pour sauver la France. » Elle-même, de la première heure jusqu’à la dernière, sans jamais varier, ni désemparer, affirme le miracle. Elle l’affirme de toute sa croyance, de toute sa sincérité, de toute sa modestie. Car, en ce haut rôle qu’elle s’attribue, pas l’ombre de vanité personnelle : rien de convenu, ni de choquant : elle est naturellement surnaturelle.

  1. Copyright by Gabriel Hanotaux.
  2. Voyez la Revue du 15 mai.