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mettre aux prises avec les pires difficultés. On ne saurait trop désirer que les choses tournent ainsi ; mais peut-on l’espérer ? On le pourrait sans doute, s’il n’y avait que les Anglais, mais il y a les Irlandais. Que diront, que feront les Irlandais ? Laisseront-ils s’établir la trêve rêvée.

Que sera le nouveau Roi ? Rien de plus vain que de faire des pronostics à ce sujet. Les princes héritiers changent quelquefois du tout au tout en montant sur le trône. On ne connaît d’ailleurs pas beaucoup George V. On sait seulement de lui qu’il a toujours eu la vie la plus régulière, qu’il est consciencieux, exact à remplir tous ses devoirs, et que, dans toutes les circonstances où il s’est produit en public, il a donné l’impression d’un homme plein de mesure et de tact. Agé de quarante-cinq ans, il est dans toute la force de l’âge. S’il n’a pas été instruit par la vie autant que l’avait été son père, il a du moins été initié par lui au gouvernement. Edouard VII, arrivé tard au trône et sentant peut-être décliner ses forces, a voulu que son fils fût prêt à lui succéder lorsqu’il viendrait lui-même à disparaître. Se rappelant qu’il avait souffert de la préoccupation avec laquelle la reine Victoria l’avait éloigné des affaires, il a tenu au contraire que son fils fût mis au courant de toutes celles qui avaient de l’importance, et il a présidé, dit-on, à son éducation politique. Ce dernier trait complète à son avantage la physionomie du roi défunt : il a toujours eu de l’avenir dans sa pensée, et c’est pour cela que sa politique en aura. L’Angleterre a encore grandi pendant les quelques années de son règne. La paix a été affermie. L’équilibre de l’Europe a été rétabli. Ce sont là de bonnes et de grandes choses. L’histoire dira qu’elles sont dues, pour une part considérable, à ce prince simple d’allures, sceptique, affable, qui a bien mérité de son pays et du monde, et qui laisse après lui un vide difficile à combler.


Les élections du 8 mai ont complété celles du 24 avril sans en modifier le caractère : nous en dirons, comme nous l’avons fait des premières, qu’elles sont les moins mauvaises que nous ayons eues depuis longtemps. Un seul parti a perdu du terrain, le parti radical-socialiste qui est au pouvoir depuis une douzaine d’années et qui s’y est usé par ses fautes. Bien qu’il ait fait des pertes sensibles, il reste le maître de la situation. Il rentrera à la Chambre avec un contingent diminué, mais encore assez fort pour gouverner : la question est de savoir comment il gouvernera. S’il le fait comme par le passé, en persévérant dans les mêmes fautes, le pays, après lui