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monde y comprenait qu’on s’était mis dans un guêpier et qu’il fallait en sortir, en ménageant toutes les convenances politiques. L’avènement d’un nouveau roi pouvait servir de prétexte à des rectifications devenues nécessaires, et il faut souhaiter qu’une circonstance analogue soit utilisée aujourd’hui, à l’intérieur, dans le même esprit d’apaisement et de conciliation. Quoi qu’il en soit du présent et de l’avenir, on a mis en 1901 une grande hâte à liquider l’affaire du Transvaal. Il fallait avant tout déblayer le terrain de cette entreprise encombrante où l’Angleterre s’était jetée étourdiment et au cours de laquelle elle avait rencontré peu d’approbation de la part des peuples. Mais les gouvernemens s’étaient généralement conduits à son égard de la manière la plus correcte, même ceux que des souvenirs récens auraient pu mal disposer, et le nôtre en particulier, qui était pourtant de ces derniers, avait toujours observé envers elle une attitude amicale. Cela rendait plus facile un rapprochement dont, aussi bien d’un côté que de l’autre, on commençait à sentir l’opportunité. Quelque prix qu’eût pour nous l’alliance russe, — et ce prix a toujours été le même à nos yeux, — les échecs éprouvés par nos alliés en Extrême-Orient avaient affaibli, pour un temps, notre force commune, et cet affaiblissement pouvait faire naître ailleurs des tentations contre lesquelles il fallait se prémunir. Ce danger n’a pas tardé à se manifester d’une manière tangible. L’équilibre entre la triple et la double Alliance étant rompu, notre intérêt à trouver une amitié nouvelle était manifeste. Quant à l’Angleterre, elle se sentait, pour des motifs un peu différens, exposée à des inconvéniens du même ordre. La progression rapide des armemens maritimes de l’Allemagne et de son expansion commerciale à travers le monde commençait à la préoccuper. À Paris et à Londres, on avait une vue très claire de cette situation. Le mérite du roi Edouard est de l’avoir eue plus clairement que personne, et d’avoir pris, avec une promptitude où l’on sentait un esprit et un tempérament vraiment politiques, les décisions qui devaient en être la conséquence. Nul n’a peut-être mieux mérité d’être appelé l’homme des réalisations. Il faut toujours répéter que son gouvernement sentait, pensait, voulait comme lui, mais il savait exécuter sans se perdre dans des détails inutiles ou dans des tâtonnemens fâcheux. Il allait droit au fait, à la démarche décisive ; il abrégeait les formalités préalables. Son voyage à Paris a été, à cet égard, très significatif. Nous pouvons le dire aujourd’hui que tout cela appartient à l’histoire : le roi Edouard a reçu du gouvernement de la République l’accueil le plus empressé, mais la population de Paris était froide et défiante. Les souvenirs de Fachoda étaient