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un geste, un sourire, a vite fait d’apaiser. Le maestro s’est assis devant l’harmonium, sur une petite estrade. La scène rappelle un peu l’une des fresques de Benozzo GozzoU, à San Gimignano, où l’on voit une classe aussi, dont l’un des élèves est le futur saint Augustin. Mais surtout, — le maître a l’air si jeune, de visage, d’esprit et de cœur, — on songe à certaine inscription, tracée à quelques mètres de la salle où nous sommes, sous un chêne et sur un rocher du Janicule : « Qui… Filippo Neri, frà liste grida, si faceva co fanciulli fanciullo, sapientamente. Ici Philippe de Néri, parmi les cris joyeux, se faisait petit avec les petits, sagement. » J’entends encore la leçon de solfège, les voix chaudes, frémissantes, méridionales, et pour les diriger, pour les retenir dans le rythme et la mesure, les coups de baguette sur le pupitre de bois. Aux motets, aux répons des vieux maîtres romains succédèrent quelques pièces, choisies parmi les plus récentes, de leur jeune successeur. Beau style, sérieux, serré, qui parfois se détend et semble s’entr’ouvrir ; alors des mouvemens, des élans, des chaleurs soudaines. Ensuite, pour fêter le visiteur étranger, des refrains populaires, presque des rondes et des chansons de pifferari. Une loterie, où l’on gagne des bonbons et des gâteaux, de ces maritozzi chers au peuple de Rome, termine la séance. La nuit est venue et les enfans se sont dispersés. Leur maître et moi, par les rues du Borgo, nous gagnons la place Saint-Pierre et le Vatican. Nous devisons de musique, et de musique sixtine. Don Lorenzo porte avec modestie, avec une grâce juvénile, avec un religieux amour, l’honneur de sa charge, l’une des plus glorieuses dont un musicien, surtout ce musicien étant prêtre, puisse se voir investi. « Sanctuaire entre tous illustre et sacré, qui renferme en lui la piété et la joie de toute la terre. » Ainsi Léon X a parlé de la chapelle Sixtine. Dans ce lieu, que remplissent tout entier les plus magnifiques parmi les formes visibles, être le maître des formes sonores ; ranimer les sublimes concerts endormis depuis si longtemps sous cette voûte, y faire entendre des chants nouveaux ; ce n’est pas tout encore : par une faveur insigne, en même temps que le fils très aimé du Saint-Père, être en quelque sorte le vicaire pour la musique d’un pape musicien, la fortune, ou plutôt la Providence a fait à ce jeune prélat tous ces dons. Au Trocadéro l’autre jour, en écoutant son œuvre, en le regardant la conduire, il nous parut — tout simplement — que la Providence ne s’était pas trompée.


La symphonie énorme de M. Gustav Mahler tient plus de place qu’il ne nous en reste à lui donner aujourd’hui. Si la grandeur d’une