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la Passion et la Transfiguration, la Résurrection de Lazare et la Résurrection du Christ, se partage pour ainsi dire entre le dehors et le dedans. C’est un éblouissement sonore que le début de la seconde partie de la Résurrection du Christ, « l’aube du triomphe, » aboutissant à l’épisode, pathétique entre tous, de la rencontre de Madeleine et de Jésus. Mais, peu de pages après, quel demi-jour, quel clair-obscur à la Rembrandt, quelles harmonies sourdes et comme éteintes, enveloppent l’apparition du maître à ses disciples et ces deux mots : Pax vobis ! tombant des lèvres pâles de Celui qui vient à peine de ressusciter d’entre les morts.

Et maintenant, suivrons-nous don Lorenzo Perosi de la salle de concert à l’église ? Là, nous verrions le musicien d’oratorio s’oublier pour le musicien liturgique. Pourtant, si classique, si pure que soit la forme de son art, elle s’anime, elle s’illumine encore là de mouvemens et de rayons. Le même tempérament original, la même ferveur juvénile s’y unit, sans disparate, à la connaissance et à la pratique, sans imitation ni pastiche, des formes du passé. C’est une chose tout à fait belle en sa brièveté que certain salut au Souverain-Pontife, composé pour un jour de grande cérémonie, sur les paroles rituelles : Tu es sacerdos in æternum secundum ordinem Melchissedec. Dans Saint-Pierre, il y a deux ans, je me souviens de l’avoir entendu. Les mots de la formule peuvent paraître abstraits. Mais la musique perosienne leur donne, par l’intensité de la polyphonie, un élan qui les emporte, parle trait mélodique et qui monte, une flamme qui les couronne. En ce peu de mesures éclatantes, il sembla, ce jour-là, que celui qui avait été le lévite et comme l’enfant du patriarche de Venise, eût voulu jeter vers le Pontife, demeuré son maître et son père, le cri de toute sa jeunesse, de tout son art et de tout son amour.

Ce n’est pas au Trocadéro, c’est à Rome qu’il faut voir, entendre don Lorenzo Perosi. Un office dirigé par lui, soit à Saint-Pierre, soit à la Sixtine, est une belle chose. Une répétition à l’école de la piazza Pia, près du Château Saint-Ange, est quelque chose de délicieux. Une quarantaine d’enfans sont réunis là. Don Lorenzo les a recueillis un peu partout, au hasard, dans les rues et les carrefours de Rome. A Venise, avec le cardinal Sarto, il faisait déjà ainsi. Et n’est-ce point ainsi, qu’il y a plus de quatre cents ans, un maître de chapelle romain, un maestro dei putti, comme on disait alors, trouva, sur la place de Sainte-Marie-Majeure, cantando seconda l’uso dei giovanetti, le petit Pier Luigi, de Palestrina ?

Tous ces gamins sont vifs, mais d’une turbulence qu’une parole,