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Il règne en tout l’épisode une sorte de sainte violence, telle que la souffre le royaume de Dieu. Les appels bientôt y deviennent des cris, des apostrophes, La prière y tourne à l’adjuration et la musique y semble moins implorer, qu’exiger, arracher le bienfait et la grâce. Par le sentiment, sinon par le style, par la hardiesse impérieuse, cette symphonie, car c’en est une à présent, rappelle un peu la pathétique requête : Pacem ! Pacem ! qui termine la messe en ré de Beethoven. On croirait presque entendre, au lieu du recours, la révolte de tous les opprimés, de tous les orphelins, de tous les misérables. Mais déjà, comme repentans et honteux de leur impatience, de leur audace impie, ils s’apaisent et s’humilient. Sur une intonation quasi grégorienne, une voix, qui n’est plus que plaintive, pose et tient longuement des sons d’une ravissante douceur. Le sens et comme la direction générale de la musique en est tout de suite modifiée. Au lieu de descendre et de tomber sans cesse, les notes s’étendent, s’étalent à l’infini. Plutôt que de sillonner et de hacher l’horizon, elles en dessinent la ligne pure et droite. A la violence a succédé la paix, l’extase même. Et maintenant, voici la gloire, une sorte d’apothéose, où des impressions de Dante se mêlent avec des souvenirs et comme des frissons de Wagner. Tout semble s’élever et s’élargir à la fois par étages superposés et par cercles concentriques, dont le nom répété de Marie est le centre et le sommet. Et sans doute il n’y a là rien de plus qu’une progression harmonique et tonale. Encore fallait-il qu’elle y fût et c’est assez qu’elle y soit, pour que cette péroraison d’une cantate en l’honneur de la Vierge compte parmi les belles « Assomptions » de la musique.

Elle s’ajoute et ressemble à tant de tableaux sacrés que nous a déjà donnés le maestro. Dans une exposition de la jeune école italienne, les œuvres de don Lorenzo Perosi rempliraient la salle d’honneur. Chez lui seul, depuis la mort de Verdict tant que Boito garde le silence, on reconnaît quelques signes encore de l’ancien génie de sa race, veteris vestigia flammæ. Par la flamme en effet, par la lumière et la chaleur, il n’est pas moins de son pays, — le pays des Carissimi, des Marcello et des Pergolèse, — que par l’abondance et la facilité. Dans les deux ordres de la musique religieuse, au concert comme à l’église, il n’a jamais traité qu’avec respect, avec amour, et saintement, les choses saintes, celles de l’histoire et celles de la foi. Les scènes de l’Évangile ont reçu de lui des expressions, des représentations tour à tour éclatantes et mystérieuses ; il en a figuré tantôt l’apparence extérieure, tantôt le sens intime et profond. Chaque oratorio de Mgr Perosi,