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REVUE MUSICALE


Ariane et Barbe-Bleue, de MM. Maurice Maeterlinck et Paul Dukas, et ''Barbe-Bleue, de Meilhac, Halévy et Offenbach. — Le Dies iste de Don Lorenzo Perosi. — La deuxième symphonie (en ut mineur) de M. Gustav Mahler.


La reprise, après trois années déjà, d’Ariane et Barbe-Bleue à L’Opéra-Comique nous a charmé de deux manières : l’une pour ainsi dire absolue, l’autre plutôt relative ou mieux encore indirecte. Et toutes les deux feront l’objet ainsi que le partage de notre discours.

La musique de M. Dukas assemble et concilie en soi deux ordres de beauté très divers. L’impression générale et dernière qu’elle cause est assurément celle du mystère. Mélancolique et souvent douloureux, étrange et comme lointain, même vague, le sentiment ou l’éthos de l’œuvre est tout cela. Oui, mais d’autres élémens y entrent aussi, qui nous rassurent et nous raffermissent. Infini dans sa conception et son rêve, l’art de M. Dukas a pour signes sensibles des formes arrêtées et nettes. Il unit à l’horreur du réalisme le goût de la réalité. Il s’impose par la vigueur et le relief, par la puissance et l’aplomb. Comme il porte sur de profondes et solides assises, il peut s’élever très haut sans que rien l’ébranlé. La devise, ou le programme de Gounod : « Jamais de bornes, mais toujours des bases, » se vérifie en lui. M. Maeterlinck fait dire (nous citons de mémoire) à l’un des personnages de Pelléas et Mélisande : « C’est comme si je voulais emporter un peu d’eau dans un sac de mousseline. » Et l’image se rapporte aussi exactement à la musique de M. Debussy, qu’elle est contraire à la musique de M. Dukas. Dans l’une, tout se dérobe et fuit ; l’autre a quelque chose de consistant et de résistant, où l’on peut se prendre et