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Zoëga, décédé à Rome et de Maria Pietrucioli, décédée à Rome, supplie par le présent acte respectueux mes dits père et mère d’accorder leur consentement pur et simple au mariage que j’entends contracter avec la demoiselle susdite.

« INGRES[1]. »


Ce document prouve que Mlle Forestier n’était pas dans la vérité quand elle écrivait que, circonvenu par « Mme Fernot, » Ingres s’était détaché de Julie pour se jeter dans les bras de Madeleine. Entre Julie et Madeleine, il y eut les yeux de la brûlante Laure. Mais Laure ne dura pas plus que Julie. Elle aimait la danse. Elle se livrait sans mesure à ce plaisir qu’il n’était point difficile de se procurer à Rome. Ingres ignorait la passion de Laure. Il ne la connut que le soir où, par hasard, s’étant arrêté à la porte d’un bal populaire, il aperçut Laure qui dansait, éperdument, entre les bras d’un superbe carabinier, Ingres ne revit plus Laure Zoëga[2].

Mais, décidément, Ingres en tenait pour le mariage plus que ne l’eût imaginé le pauvre M. Forestier. Il y avait alors à Rome une famille où se réunissaient un certain nombre de Français. C’était la famille de M. de Lauréal, greffier en chef de la Cour impériale. Mme de Lauréal, c’est « Mme Fernot » dans le récit de Julie. A l’époque dont parle Julie, — 1807, — Mme de Lauréal n’habitait pas Rome. Elle n’était même pas encore Mme de Lauréal, et elle ne put donc pas tenir, dans la vie d’Ingres et de Julie, la place que lui donne Emma ou la Fiancée. Ce n’est qu’en 1809 que M. de Lauréal épousa, à Florence, Mme Adèle Lacroix, née à Paris, paroisse Saint-Sulpice, en 1782, fille de Pierre-Nicaise Lacroix (fonctionnaire du ministère de la Justice sous le premier Empire), et de Reine Louis.

Adèle de Lauréal avait une sœur, Joséphine Lacroix[3], qui se fiança, à Rome, à l’architecte François Mazois, par qui Ingres fut introduit chez le greffier impérial. La malheureuse Joséphine n’eut pas plus de chance que Julie : pour des raisons demeurées

  1. Au verso (d’une autre écriture) : Du 11 déc. 1812. Acte respectueux, par M. Ingres, peintre, à ses père et mère. »
  2. Nous tenons l’anecdote de M. Guille, neveu d’Ingres, qui l’avait entendu raconter chez sa tante, Mme Delphine Ingres, seconde femme du maître.
  3. Par une étrange coïncidence, la grand’mère maternelle d’Ingres était une demoiselle Lacroix. Il n’y avait aucun lien de parenté entre les deux familles.