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[1] et ce dernier étant pressé de remplir sa mission, s’était chargé de donner à M. Darmençay des nouvelles de son fils.

La lettre de M. d’Egreville annonçait « qu’Auguste affligé, mais dans un bon état de santé, suivait le cours de son voyage et comptait écrire aussitôt qu’il serait rendu à destination. Il chargeait son père d’exprimer à ses amis toute la douleur qu’il ressentait de se voir éloigné d’eux et son empressement à venir les retrouver aussitôt que son devoir le lui permettrait. Il assurait Emma de la plus vive tendresse, d’une constance à toute épreuve, etc., etc. »

L’absence d’Auguste, sans avoir un terme absolument fixe, pouvait cependant en avoir un présumable, mais si elle ne devait pas être de moins de six mois, il eût été presque impossible qu’elle dépassât une année. Or, le premier moment de chagrin passé. Mme Darmençay ne voyait pas ce délai avec trop de peine. Sa fille venait d’accomplir sa dix-septième année ; durant ce temps, la santé de la jeune personne se fortifierait, son éducation serait complétée ; à dix-huit ans, on sait mieux ce qu’on fait, on a tout à fait la conscience des devoirs que l’on s’impose, enfin c’était encore une année durant laquelle son enfant lui appartiendrait en propre, et, malgré toutes les excellentes raisons qu’elle donnait à son mari pour le rassurer contre la crainte d’être moins tendrement aimé de sa fille, la bonne mère n’était pas entièrement exempte d’un peu de jalousie maternelle.

Cependant, le jeune ménage devait rester près d’elle, car, sans cette condition, Emma n’aurait jamais accepté même le sort le plus brillant. En attendant, on s’entourait de tous ceux auxquels Auguste portait des sentimens d’amitié. Dans ces réunions, on ne parlait que de lui, de son présent, de son avenir.

Enfin, une lettre d’Auguste vint un peu ranimer la famille affligée. « Il était arrivé à temps et en bonne santé au lieu de sa destination, mais rien ne pouvait le distraire de la peine qu’il éprouvait d’être séparé de ses chers amis. Le pays qu’il habitait était affreux ; nulles ressources contre l’ennui. Tout à ses chagrins, même au milieu de l’accomplissement de ses devoirs, il ne songeait qu’à eux, qu’à la douleur de la séparation, il ne trouvait d’adoucissement à ses maux que dans la pensée du retour, mais ce bonheur était trop éloigné pour qu’il en pût

  1. Il y a là une inexactitude flagrante. Ingres ne revit pas son père, depuis 1804 jusqu’à la mort de celui-ci, survenue en 1814. Il ne passa pas par Montauban