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Mme D..., se proposant de conduire Auguste jusqu’à une certaine distance. « — Adieu, mon Emma, » dit celui-ci, en lui baisant la main une dernière fois. « N’oubliez pas celui qui, loin de vous, ne vivra que de votre souvenir. Et vous, ma mère, car vous venez de me donner ce droit de vous nommer ainsi, je vous le redemande encore avec des larmes, gardez-moi le trésor que je laisse entre vos mains. » — « Ne craignez rien, mon ami, telle la voici, telle je vous la rendrai. Ma fille, dis-lui donc adieu. » — « Adieu, oui, adieu !... » Ces mots articulés avec peine furent les seuls qu’Emma put adresser à Auguste, que M. Darmençay, voulant abréger cette douloureuse scène, entraînait vers la porte. — « A demain, encore un instant avant mon départ, » s’écria Auguste. — « Venez, » dit M. Darmençay en sortant avec lui.

A peine Emma, qui prêtait l’oreille à leurs derniers pas, eut-elle entendu la porte de dehors se refermer que, se précipitant dans les bras que sa mère lui tendait, ses larmes, qu’elle avait si courageusement contenues durant cette pénible soirée, coulèrent par torrent. — « Maman, ô maman, je ne le verrai donc plus, » disait-elle en pleurant, « je n’entendrai donc plus cette porte se rouvrir pour lui ? » — « Mon enfant, ne t’afflige pas ainsi. Ne t’a-t-il pas dit qu’il viendrait demain ? » — « Est-il vrai, maman, l’a-t-il bien dit ? » — « Oui, mon Emma, calme- toi, je t’en supplie. » Et Mme Darmençay, un peu sévère à l’habitude, ne trouvait plus que des paroles de tendresse pour consoler l’enfant désolé qu’elle serrait sur son cœur. — Enfin, elle se levait et dit à Emma d’aller prendre un repos bien nécessaire après des émotions aussi fatigantes. Emma ayant embrassé sa mère se retira dans sa chambre ; elle pria, pleura et, après avoir offert à Dieu le rude sacrifice qu’il exigeait d’elle, elle alla chercher le sommeil qui s’écarta longtemps de ses yeux ; puis enfin la fatigue l’absorba, elle perdit le sentiment de sa triste position, mais des rêves pénibles s’emparant d’elle lui ôtèrent les douceurs du repos.

Il était grand jour, le lendemain, lorsque Emma s’éveilla. Le peu de sommeil qu’elle avait pris, l’espérance de revoir encore Auguste, l’Espérance, si facile à nourrir dans un cœur de dix-sept ans, lui avaient rendu quelques forces. Elle se rendit à l’appartement de sa mère qui courut à elle les bras ouverts, la pressa sur son sein et lui dit : — « Courage, chère enfant,