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Pour copie conforme : c’est que, en effet, cette lettre, M. Forestier ne l’avait pas reçue à sa date. Le père de Julie, inquiet sur le sort des copies de sa fille, expédiées de Paris en juillet, s’informa. Ingres père répondit qu’il avait remercié et il envoya copie de la lettre égarée. Des adieux d’Ingrou, pas un mot sans doute ne fut dit par M. Forestier et le petit n’avait pas donné signe de vie à Montauban. Sans quoi, la lettre qui suit, d’Ingres père à M. Forestier n’aurait jamais été écrite, — cette lettre où on le prie de s’occuper à Paris des envois d’Ingres.


« Montauban, le 5 octobre 1807.

« Monsieur,

« Retenu depuis près d’un mois dans mon lit par de violentes douleurs occasionnées par la goutte, je suis forcé d’emprunter la main d’un de mes amis pour vous renouveler mes sentimens distingués, et pour vous manifester combien j’ai été peiné en apprenant que vous n’avez pas reçu une de mes lettres en date du 9 août 1807. Je la confiai à un de mes amis qui me promit bien de vous la remettre. Il aurait mieux valu sans doute que j’eusse employé la voie ordinaire du courrier, qui m’aurait épargné ce désagrément. Soyez persuadé, monsieur, que je vous écrivis. Il est vrai que depuis cette époque j’ai été bien négligent. N’attribuez mon silence ni à l’oubli, ni à l’indifférence, vous n’êtes pas fait pour inspirer de pareils sentimens. Excusez, monsieur, cette espèce d’apathie de laquelle vous n’aurez plus à vous plaindre et intercédez pour moi auprès de Mme Forestier. Ses productions qui font l’embellissement de mon cabinet et que je contemple tous les jours avec un nouveau plaisir, rendent ma négligence moins excusable et auraient dû me rappeler les hommages que je devais à tous ses soins.

« Le porteur de la présente est M. Couderc, architecte, qui a eu l’honneur de vous connaître étant à Paris en même temps que mon fils. Je désirerais pouvoir vous donner des nouvelles récentes d’Ingrou, mais il y a très longtemps qu’il ne m’a point écrit. Vous avez été sans doute instruit qu’il vient d’envoyer deux tableaux à l’Exposition, je voudrais bien qu’il en eût la propriété. Dans ce cas, je suis certain qu’il vous a prié de les retirer. C’est ce que je désirerais de grand cœur par le plaisir que j’aurais d’en posséder un à Montauban pour l’exposer aux yeux de mes concitoyens et aux regards des élèves qui me sont