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mes remerciemens et soyez assuré d’une reconnaissance égale au plaisir que ce cadeau m’a fait éprouver. Toute ma famille est aussi contente que flattée d’une telle marque d’amitié. Veuillez faire agréer ses complimens à la chère vôtre. Vous me faites part des craintes que vous avez au sujet de mon fils à Rome. Ces doutes sont bien excusables, même naturels, à un père qui n’a d’autre but que le bonheur de son enfant et qui est toujours prêt à prévenir tout ce qui pourrait lui causer la moindre peine ; mais d’après les sentimens de mon fils, ses lettres et le mérite de Mlle Forestier que j’espère bientôt nommer ma fille, j’ose croire que jamais de semblables doutes ne seront fondés.

« J’avais espéré, jusqu’à ce jour, que mon fils eût convenu avec vous qu’il ne resterait qu’un an à Rome, il ne m’en a rien dit, je pensais donc que l’époque de son retour serait déterminée par celle où il aurait fini un tableau d’histoire pour établir définitivement sa réputation. J’approuvais fort ce parti, surtout d’après la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire dans le temps, dans laquelle vous prouvez qu’il est nécessaire qu’il ne reparaisse à Paris qu’armé d’un tableau d’histoire pour répondre à ses envieux et faire cesser leurs scandaleux propos.

« D’après cela, je ne comptais pas le retour de mon fils aussi prochain. Mais dans sa dernière il me marque que son découragement est grand, qu’il ne compte plus faire un tableau à Rome, où tout est grand, qui fourmille de choses qu’on ne saurait trop étudier, mais où il n’y a pas l’ombre de cette émulation qui enfante les chefs-d’œuvre ; que, d’ailleurs, tout y est cher relativement à la modicité de sa pension ; qu’il ne désire rien tant que se rendre auprès de sa chère Julie et de son aimable famille pour pouvoir tranquillement se livrer à son art et faire un ouvrage qui le fasse enfin connaître.

« Les intentions de mon fils sont toujours les mêmes. Je lui écris aujourd’hui pour lui faire part de votre dernière. Aussitôt que j’aurai une réponse, je me hâterai de vous en faire part. Je sens tout l’honneur de votre alliance, et j’aime trop mon fils pour ne pas contribuer de tout mon pouvoir à son bonheur.

« Recevez, monsieur, l’assurance de la parfaite considération avec laquelle je suis

« Votre très humble et très obéissant serviteur.

Pour copie conforme,

« INGRES. »