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encore arrivé. Renvoyé pour la quatrième fois en Algérie, après un court séjour en France, le prince administrait la province de Constantine à la fin de l’année 1843. « J’ai de la besogne par-dessus les oreilles, écrivait-il. Comme je suis mon ministre secrétaire d’Etat à tous les départemens, que je résume en ma personne les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, vous jugez si je suis occupé. Treize heures de bureau ou d’audience par jour ! Ah ! je croyais avoir à travailler quand j’étais en rhétorique, mais ce n’était rien, « Il ne se plaint pas néanmoins, il s’intéresse à son travail et il s’instruit. L’espoir de faire un peu de bien le soutient dans ses heures de découragement.

Il entrevoit d’ailleurs une perspective d’action qui le réjouit, le désert l’attire comme un Eden. Il ira à Biskra, à soixante-dix lieues vers le Sud. La série des engagemens avec les Arabes n’est pas close. On se bat encore par instans et le Duc de Montpensier, qui accompagne son frère, reçoit à son tour le baptême, une petite écorchure faite à la paupière par une balle constate bien sa présence au feu. Tous deux avaient ce jour-là, en vue de toute la colonne, enlevé une position vigoureusement défendue, devant laquelle une compagnie française venait de fléchir, et rétabli ainsi, aux applaudissemens des soldats, une situation momentanément compromise. Le bon Cuvillier-Fleury frémissait du danger qu’avaient couru ensemble ses anciens élèves, il leur prêchait la prudence et il terminait son sermon par cette phrase qu’il avait souvent entendu répéter autour de lui : « Il ne faudrait pas recommencer cela souvent. » On ne recommence pas de la même manière, mais en guerre on court toujours des risques, on ne fait que changer de dangers. Dans la campagne de 1844 le Duc d’Aumale a eu un cheval tué sous lui par un Kabyle qui le visait lui-même et qu’il put heureusement écarter d’un coup de sabre. Au combat de Méchounech, le 15 mars, il sauva la vie au capitaine Espinasse blessé, sur lequel s’acharnaient plusieurs Arabes. Devenu général sous le second Empire, le blessé de 1844 n’oublia jamais le service rendu. Lorsque, après l’attentat d’Orsini, il fut appelé par l’Empereur au ministère de la Sûreté générale, il ne fit qu’une seule réserve aux assurances de son dévouement : « Toujours l’épée en bas devant le Duc d’Aumale ! »

Les incidens auxquels fut mêlé le prince n’eurent pas toujours un dénouement aussi heureux. On a été quelquefois forcé de battre en retraite ; on a perdu du monde et des bagages ; à