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du 17e léger, après avoir effectivement exercé les fonctions de capitaine, de chef de bataillon, de lieutenant-colonel, pris part à deux campagnes et mérité deux citations à l’ordre du jour. La rentrée en France du 17e léger, ayant le Duc d’Aumale à sa tête.

Le jeune colonel et le vieux régiment,

fut une fête nationale. Le prince marcha ainsi d’étape en étape, de Marseille à Paris, accueilli triomphalement partout, répondant avec un merveilleux à-propos aux discours officiels qui lui étaient adressés. Au faubourg Saint-Antoine où aucune précaution de police n’avait été prise, où la foule l’approchait librement, on tira sur lui un coup de pistolet sans l’atteindre. « Je ne m’en plains pas, écrit-il, mon orgueil en a même été plus flatté que de toutes les ovations qu’on m’a faites ; on ne cherche à tuer que ceux qui en valent la peine. » Le Roi fut sans doute du même avis que son fils, car il commua la peine du coupable que la cour des Pairs avait condamné à mort.

Il faut que Cuvillier-Fleury en prenne son parti. Désormais le Duc d’Aumale va appartenir de plus en plus à l’armée. C’est là un champ ouvert naturellement à son activité, c’est là que le retient sa vocation, c’est là aussi que la politique de son père lui réserve un grand rôle. Mais auparavant le maître et l’élève sont destinés à subir la plus cruelle des épreuves, la mort si inattendue du Duc d’Orléans. Tous deux, appelés en hâte sur le théâtre de l’accident, ont assisté à l’agonie du mourant. Tous deux en parlent dans leur correspondance avec le sentiment profond de ce qu’ils perdent eux-mêmes et de ce que perd la France. « Mon frère, mon pauvre frère, disait en sanglotant le Duc d’Aumale. C’était ma vie, la direction de mes pensées, le guide de mon avenir. Il était la tête ! J’étais le bras ! Nous nous étions habitués à ne penser que par lui et pour lui… je viens de passer six heures à parcourir tous les souvenirs de sa vie depuis douze ans, tous ses papiers intimes, tous ses écrits, tous consacrés à la gloire et à la défense de la France. »


III

L’unique remède à une si grande douleur fut pour le Duc d’Aumale un redoublement d’activité. La question algérienne