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années de suite, il obtenait le prix d’excellence dans sa classe et les inspecteurs de l’Université reconnaissaient sa supériorité sur tous ses condisciples. Il apportait à son travail une si grande ardeur et un si vif désir de réussir que le jour où, par malheur, il avait manqué une composition, on s’en apercevait, à sa mine déconfite et à son air abattu. Lorsque, en 1834, il obtint pour la première fois un prix au concours général, au milieu des applaudissemens de ses camarades, ce fut une grande joie au Palais des Tuileries. Sur la proposition de Cuvillier-Fleury, le Roi eut la délicate attention d’inviter ce soir-là à dîner quelques-uns des lauréats. Parmi eux figurait un prix d’honneur que le Duc d’Aumale devait retrouver sur les bancs de l’Institut, l’aimable philosophe Lévesque dont la gravité précoce contrastait avec la pétulance des autres invités. Déjà, même pendant ces années de collège, la politique s’insinue peu à peu dans l’esprit des jeunes princes par les propos qu’ils entendent par les conversations qui s’échangent autour d’eux. Très résolument, avec la franchise de son âge, le Duc d’Aumale se prononce pour qu’on ne la sépare pas de l’honnêteté. Une pièce assez froide de Casimir Delavigne, la Popularité, lui inspire une vive admiration parce qu’il s’y trouve un vieux politique honnête homme. La vie de collège allait se terminer pour lui au mois d’août 1839, après de nouveaux succès, deux prix rem portés en rhétorique au Concours général.


II

Il avait dix-sept ans et demi. Par ordre du Roi, dont les idées avaient toujours été très arrêtées à cet égard, qui voulait que tous ses fils portassent l’uniforme, comme il l’avait porté lui-même au temps de sa jeunesse, le Duc d’Aumale quittait le collège pour entrer directement dans l’armée. Incorporé au 4e régiment d’infanterie légère, il fut envoyé au camp de Fontainebleau pour y commencer son apprentissage. Cette vie nouvelle, la séparation, l’indépendance de l’officier devaient nécessairement relâcher les liens qui attachaient l’élève au maître. Ce n’était plus l’intimité de tous les jours. Mais il faut dire à l’honneur de tous deux que l’éloignement n’enleva rien à la vivacité des sentimens qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre. De loin, comme de près, ils ont besoin d’échanger leurs impressions avec une absolue sincérité.