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ne pouvait dire quel serait le résultat de la lutte engagée. Le bruit lointain des coups de fusil et des coups de canon augmentait l’anxiété générale. Le matin du 29 juillet on commençait à désespérer, on parlait de la fuite de Thiers et de Mignet sur Montmorency, du découragement des Parisiens, lorsque la princesse Marie accourut tout essoufflée en criant : « Victoire ! la garde royale s’est rendue, elle est désarmée. » Les angoisses changèrent alors d’objet et passèrent de la population parisienne qui avait couru de grands dangers à la situation redoutable que la Révolution créait pour la famille d’Orléans. La nouvelle que la Chambre des députés appelait le prince au trône, au lieu de réjouir ses filles, les remplissait d’inquiétude. Elles se levaient de table en criant que leur pauvre papa était perdu, et elles avec lui.

Louis-Philippe conservait plus de sang-froid. Il s’était dérobé pendant quelques heures, non qu’au fond il hésitât sur le parti à prendre, mais un peu par coquetterie, pour se faire désirer, pour obtenir la double consécration dont il croyait avoir besoin, le vote de la Chambre des députés et le suffrage populaire. Puis ce fut l’ivresse des premiers jours, la visite à l’Hôtel de Ville, le retour triomphal à travers les rues de Paris, l’invasion pacifique du Palais-Royal où chacun voulait serrer la main du nouveau Roi. Le Duc d’Aumale n’avait alors que huit ans et demi, mais nul doute que les scènes si diverses dont il fut le témoin n’aient laissé une profonde impression dans son esprit : l’antipathie pour les hommes et pour les idées de l’ancien régime, le respect des volontés populaires, une répugnance marquée à se mettre en contradiction avec l’esprit public. La noble conduite que lui inspira la Révolution de 1848 prit peut-être sa source première dans les souvenirs de Juillet 1830. L’enfant de huit ans, qui avait si souvent paru avec son père au balcon du Palais-Royal, appelé par les acclamations de la foule, ne devait pas oublier que le pouvoir nouveau venait de cette foule, que le jour où elle se retournerait contre lui, le droit et les moyens de résister lui manqueraient également.

La vie de collège du Duc d’Aumale ne donnait pas lieu à beaucoup d’incidens. A noter cependant le soin avec lequel son précepteur lui faisait faire des compositions préparatoires en le mettant en concurrence avec les élèves les plus forts des autres collèges ; à noter aussi les succès réguliers du jeune prince. Plusieurs