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enfans dans les établissemens de l’État, malgré les objections et le mauvais vouloir de Louis XVIII. Le Duc de Chartres, le Duc de Nemours et le Prince de Joinville avaient suivi les classes du collège Henri IV ; le Duc d’Aumale les suivit à son tour en se mêlant ainsi aux enfans de la bourgeoisie et du peuple. La plupart de ses condisciples appartenaient, bien entendu, à la classe bourgeoise. Mais il y avait aussi parmi eux de pauvres diables, boursiers de l’État ou externes de la rue Mouffetard. Par ce contact auquel il exposait volontairement ses fils, le père prévoyant voulait les accoutumera connaître, comme il l’avait fait lui-même, des hommes de toutes les conditions, à se rencontrer avec eux sur tous les terrains sans embarras et sans morgue.

Au sortir du collège, la vie de famille reprenait tous ses droits. A Neuilly ou au Palais-Royal, les enfans vivaient auprès des parens, chaque fils ayant simplement un précepteur pour diriger les études entre les classes. Le choix des cinq précepteurs fut une des grandes préoccupations de Louis-Philippe. Il le fit avec le plus grand soin, après de mûres réflexions, et il eut la main particulièrement heureuse lorsqu’il s’adressa à Cuvillier-Fleury. Celui-ci était alors, en 1828, un grand jeune homme de vingt-six ans, fils d’un commandant de dragons, ancien boursier de l’Empereur, qui avait remporté le prix d’honneur au Concours général en 1819, suivi en Italie le roi Louis de Hollande auprès duquel servait son père et professé pendant quelque temps au collège Sainte-Barbe. Comme l’a dit le Duc d’Aumale lui-même dans la notice qu’il a consacrée à son maître, le séjour de Cuvillier-Fleury à Milan, à Florence, à Rome, avait développé « le caractère essentiellement latin et classique de ses goûts. » Je ne crois pas qu’un seul homme de notre temps ait eu la mémoire mieux garnie de citations latines. Jusqu’à son dernier jour.il lui revenait à l’esprit des fragmens de Virgile, d’Horace, de Cicéron, de Tite-Live. On en riait un peu autour de lui. En apprenant le mariage de sa fille Clémentine avec un diplomate fort distingué, M. Tiby, Saint-Marc-Girardin disait plaisamment au duc d’Aumale : « Quelle chance a ce Fleury ! Sa fille épouse un mot latin. »

Comme beaucoup d’universitaires de son temps, Cuvillier-Fleury aimait les Latins pour la belle ordonnance de leurs œuvres, pour l’élégance de leur style, mais surtout pour les