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dans le duché et comté de Bourgogne, dans les duchés de Lorraine et de Bar, dans les terres et pays avoisinans, la plupart des lieux appartenant au clergé, soit à la campagne, soit ailleurs, ont été brûlés, les églises détruites, les lieux saints profanés, les choses saintes ou non dérobées, les homicides, les mutilations de personnes ecclésiastiques se sont multipliés et, en outre, les vols, le brigandage, le viol des vierges et notamment des religieuses et tous les autres crimes, attentats, offenses, excès et d’inénarrables méfaits ont été commis en tous lieux[1]... » Les populations avaient dû s’enfuir, quitter le pays, se réfugier dans d’autres régions plus heureuses. Dès 1427, l’affluence des Français originaires des provinces de l’Est était telle, à Cologne, qu’il fallait demander au Pape l’autorisation, pour des prêtres de langue française, de leur faire remplir leurs devoirs religieux[2].

Sous l’impression de ces événemens, nourri dans les sentimens de ses compatriotes, le père de Jeanne d’Arc, né probablement vers 1380, quitta Ceffonds pour venir s’installer à Domremy, proche de Vouthon où il prit femme.

On a discuté et on discutera longtemps la question de savoir si Jeanne était Lorraine ou Champenoise. Ce qui est certain, c’est qu’elle était Française. Dans l’entremêlement des hiérarchies féodales et des prétentions royales, voici ce qu’on peut démêler ; la paroisse de Greux-Domremy était disputée, en quelque sorte, entre les grands fiefs avoisinans et le royaume de France. Elle était, ainsi que toute cette frontière, de ces terres sur lesquelles les légistes et officiers royaux exerçaient leur esprit d’empiétement, faisant fonctionner la machine formidable des « droits du Roi. » Postérieurement à l’année 1343, Philippe de Valois, soit à la suite d’une pression exercée sur l’évêque de Toul, soit par le simple fait d’un échange, avait acquis la châtellenie de Vaucouleurs et les villages qui en dépendaient. Domremy et Greux ne sont pas désignés dans l’acte de cession. Mais ce qui est certain, c’est que ce pays fut considéré, par la royauté et par ses propres habitans, comme faisant désormais partie du royaume, et, cela d’une façon si intime et si particulière, en raison de sa situation

  1. Le P. Denifle, la Désolation des églises, monastères et hôpitaux pendant la Guerre de Cent ans (t. I, p. 360).
  2. Ibid. (p. 535). — Sur la dépopulation de la France et les exodes en masse à cette époque, voyez encore, p. 336 et n° 1034.