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parmi lesquels son père Jacques d’Arc ne fut pas sans jouer un rôle.

Ici encore, les considérations humaines préparent et appellent, en quelque sorte, la vocation divine.

Jacques d’Arc, père de Jeanne d’Arc, cultivateur « pas bien riche, » habite Domremy[1]. Sa famille paraît originaire du village de Ceffonds en Champagne où elle s’est transportée, peut-être d’Arc-en-Barrois[2]. Ceffonds est proche de la grande abbaye de Montiérender ; les paysans de la contrée, serfs de cette abbaye, étaient en état de lutte presque continuelle avec les moines auxquels ils appartenaient et ils étaient soutenus, dans leur résistance, par le roi de France qui les avait « pris en sa garde. « En outre, pendant la première moitié de la guerre de Cent ans, ils avaient souffert, plus que nulles autres populations, de la France (sauf peut-être celles de la Normandie) de la main-mise anglaise sur les pays limitrophes. Les Lancastre étant établis au château de Beaufort qui domine la contrée, ce n’avait été qu’une longue pillerie. Les habitans n’avaient d’autre recours et d’autre défense que le roi de France.

Cette protection leur manquant, tout leur avait manqué. Le pays était devenu presque inhabitable au fur et à mesure que les affaires de la royauté française périclitaient et, surtout, depuis que le traité de Troyes avait décidé, en particulier, du sort de la province. La complaisance avec laquelle les habitans de Troyes, en peine de la prospérité de leur commerce et de leurs fameuses foires, avaient accueilli les Anglais, n’avait pas protégé le pays[3]. L’état de toute la contrée est dépeint dans un document daté de 1436, mais qui se réfère aux années précédentes : « On expose à Votre Sainteté, explique-t-on dans une supplique au Pape, que, depuis que la guerre sévit au royaume de France,

  1. V. Boucher de Molandon, Jacques d’Arc, père de la Pucelle. Orléans, 1885.
  2. Sur l’origine du père de Jeanne d’Arc, comme se rattachant à Ceffonds, nous n’avons d’autres renseignemens que les allégations souvent suspectes de Charles du Lys. Il invoque des documens provenant de Saint-Dizier qui n’ont pas été retrouvés jusqu’ici. — Voyez, d’autre part, la critique de M. le comte de Pange dans le Pays de Jeanne d’Arc, 1903 (p. 36).
  3. Sur les sentimens de la province de Champagne, voyez les preuves et observations, un peu sévères peut-être, de M. le comte de Pange, le Pays de Jeanne d’Arc (p. 20 et suiv.). — Jean Jouvenel des Ursins, évêque de Beauvais, reconnaît, en 1433, qu’on avait accepté même la domination anglaise, pour obtenir la paix : « Combien que, de présent, les choses soient aucunement amendées par la venue des Anglais, etc. » Epistre faite par Jehan (Juuénal des Ursins] aux États de Blois, dans Denifle, loc. cit. (p. 499).