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désintéressée du reste du monde, que son expansion et sa croissance ont été totalement arrêtées. Rien de moins exact.

La France, après avoir transporté le Saint-Siège chez elle, déborde sur l’Italie. Depuis l’avènement de la maison d’Anjou à Naples, l’exode pacifique ou militaire d’un pays dans l’autre est, pour ainsi dire, ininterrompu. Les Papes français d’Avignon ne perdaient de vue ni le domaine de Saint-Pierre, ni les autres puissances italiennes. Leurs émissaires, la plupart français, furent, plus d’une fois, les régulateurs et les pacificateurs, trop souvent aussi, les tyrans de la péninsule[1].

Routiers et gens de guerre accompagnaient les cardinaux ou les prélats et, souvent, les précédaient. Le sort du royaume de Naples était toujours en suspens. En Sicile, dans l’éphémère royaume d’Adria[2], en Lombardie, à Gênes, en Savoie, partout on sentait l’autorité et la main françaises.

La preuve de ces échanges, parfois bienfaisans, parfois déplorables, n’est plus à faire pour l’architecture, pour la sculpture, pour la peinture. Les peintres français allaient apprendre quelque chose chez les Cosmates ; ils apportaient, en Provence et en Italie, la technique des bords de la Seine, des bords de l’Aisne ou de l’Escaut. L’architecture cistercienne descendait de France en Italie. L’art de Ghiberti et de Donatello n’ignorait pas les « imaiges » de nos cathédrales.

Dans l’ordre politique, après les Normands de Sicile, les Gascons ont laissé, en Italie, une renommée légendaire[3], et les figures populaires qui sont encore peintes sur les charrettes siciliennes, illustrent les vieilles chansons de geste françaises, inspiratrices de l’Arioste et du Tasse.

Combien de noms sont simultanément célèbres de l’un et de l’autre côté des Alpes. J’ai parlé des saints ; voici les soldats : Enguerrand de Coucy et le comte Vert, X. de Marle et Boucicaut.

Un fait aussi considérable que l’expédition de Charles VIII en Italie s’était produit dès 1382, sous le règne de Charles VI : une armée de 80 000 Français, commandée par l’oncle du Roi,

  1. Voyez, dans les Lettres de sainte Catherine de Sienne, les diatribes fréquentes contre les légats des papes d’Avignon en Italie.
  2. P. Durrieu, Le royaume d’Adria (taillé dans les États du Pape sur les côtes de l’Adriatique), 1880, in-8. — Cf. N. Valois, la France et le grand schisme d’Occident, I, p. 167, etc.
  3. Voyez le livre du comte Durrieu, les Gascons en Italie, Auch, 1883.