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Son aumônier témoigne qu’elle était dévote « à Dieu et à la Vierge Marie ; » et quand elle fait chanter, deux fois par jour, matin et soir, par des prêtres rassemblés, ce sont « des hymnes et des antiphones en l’honneur de la Sainte Vierge, » et, sans doute, ce Salve Regina que saint Bernard appelait antiphone du Puy.

C’est au moment où ses compagnons, amenant frère Jean Pasquerel, reviennent du Puy, qu’elle fait peindre ces drapeaux, symboles de sa mission et gages de la victoire. Ici encore, les bonnes gens devinaient, mieux que les savans, la pensée de cette fille du peuple. Elles l’appelaient la « pucelle à la Bannière » (III, 104).

Car il y avait, dans ces emblèmes, flottant aux vents, un sens mystique, une vertu, une force.

Elle eut, à la fois, une bannière, un étendard, un fanion. Sur la bannière, destinée aux ecclésiastiques qui l’accompagnaient, était peint le crucifix ; sur l’étendard qu’elle portait elle-même à la bataille, elle avait fait représenter, par le peintre écossais James Power, en la face principale, semée de fleurs de lys, le « Roy du ciel, » c’est-à-dire le Christ « en majesté, » ayant pour siège l’arc-en-ciel, portant d’une main le globe et, de l’autre, bénissant ; en outre, deux anges agenouillés, saint Michel et saint Gabriel, présentant à Dieu une fleur de lys ; au-dessus était inscrite la devise qui fut reproduite en tête de la plupart des lettres de Jeanne d’Arc et qu’elle avait fait inscrire sur une de ses bagues (I, 87) : « Jhesu Maria. » Quant au fanion, tenu par ses serviteurs et qui indiquait sa place dans l’armée, il figurait la Sainte Vierge en Annonciation, l’ange lui offrant la fleur de lys, fleur de pureté et fleur de France[1].

Ces emblèmes sont d’une interprétation claire, comme tout ce qui émane de cette fille simple et sincère. Le Dieu de Majesté, c’est le « roi du Ciel, » son « souverain seigneur, » celui qui l’a envoyée. Prenez ces mots dans toute leur force et réalité. Pour Jeanne d’Arc, Dieu est le vrai roi de France et celui-ci n’a reçu le royaume « qu’en commande. » Jeanne voulut même traduire, par une cérémonie sensible, le fait juridique et, si l’on peut dire, hiérarchique et constitutionnel, dont elle était convaincue : « Un jour, la Pucelle demanda au Roi de lui faire un

  1. Vallet de Viriville (II p 65).