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1416. « En ses prédications, il reprenoit fort tous les États du monde pour les offenses qu’on faisoit contre Dieu et l’avoit chacun moult agréable, excepté les clercs, et faisoit miracles...[1]. » C’est contre les richesses du clergé qu’il tonnait.

Les mobiles de ces âmes inquiètes sont identiques à ceux qui avaient déterminé l’élan initial de saint François d’Assise ; « Voici, qu’un jour, il entendit réciter l’Evangile de « la Mission des disciples : » « Allez et prêchez ; dites : le royaume des cieux est prochain. Et n’ayez, dans vos ceintures, ni or, ni argent, ni cuivre ; n’ayez point de sac pour aller sur la route ; n’ayez pas d’habits de rechange ; n’ayez pas de souliers ni de bâtons (Matth. X, 7, 9-10). » — Voilà précisément ce que je veux, dit-il, voilà ce que je cherche, — et, aussitôt, il se conforme à l’ordre divin, ôte ses sandales de ses pieds, rejette son bâton, se ceint d’une corde et se fait, avec le drap le plus rude et le plus misérable, une tunique ayant la forme d’une croix. Après quoi, il se mit à prêcher[2]. »

Le pauvre d’Assise, en se levant, donnait la leçon à tout l’ordre ecclésiastique, puisqu’il embrassait, comme une maîtresse celle qu’ils avaient tant méprisée, la pauvreté. Mais il ne s’arrachait pas à la discipline. La loi de son action étant l’humilité, était aussi l’obéissance. Il se rendit, d’abord, auprès du pape Innocent III et obtint de lui la permission de prêcher. Nulle décision ne fut plus importante pour l’avenir de la catholicité. On peut dire qu’elle scella le pacte entre la Papauté et les ordres mendians pour la réforme intérieure.

La communauté des aspirations fait la communauté des efforts. Les frères mendians étaient les associés naturels des foules opprimées par la violence aristocratique. L’union se fît, pour ainsi dire, toute seule. Les ordres fournirent des cadres à l’insurrection laïque. On sait l’étonnante, la prodigieuse affiliation de l’élément civil aux mendians par l’enrôlement quasi universel dans les Tiers-Ordres. Les Tiers-Ordres furent la première esquisse du Tiers-Etat. L’historien de l’inspiration artistique franciscaine dit avec force : « Le sentiment individuel qui, jusqu’alors, avait été comme un enfant mineur sous la tutelle de l’Eglise, François l’a émancipé et lui a donné, pour toujours, son indépendance légitime... Grâce à l’œuvre franciscaine, le

  1. Médicis (p. 234).
  2. Henry Thode, Saint François d’Assise (I, p. 14).