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saint Dominique aurait institué le Rosaire[1], Quelques années plus tard, le roi Louis XI donna également, dans cette ville, à l’Angélus sa forme régulière. Aussi, cette église était appelée, par excellence, l’Angélique[2].

Et c’était, en effet, le lieu où se célébrait, dans les formes les plus émouvantes et les plus solennelles, la rencontre de l’Ange et de la Sainte-Vierge, cette rencontre qui décida du sort du monde, l’Annonciation. Quand, par une coïncidence qui se reproduisait assez rarement, le jour de l’Annonciation tombait le Vendredi Saint, c’est-à-dire quand l’anniversaire de l’annonce du rachat coïncidait avec celui de la réalisation du rachat, alors, c’était fête spéciale au Puy et, avec le renouveau, ce sanctuaire voyait accourir les foules, de loin prosternées[3].

Pour les dévots de la Vierge du Puy, Virgo Aniciensis, elle était, par excellence, la « Vierge annoncée » et, aussi, « la Vierge de la Miséricorde, » celle qui s’interposait entre la justice divine et l’humanité pécheresse pour sauver celle-ci en la couvrant de son manteau.

Un témoignage singulièrement émouvant de ces temps et de ces sentimens douloureux a subsisté. Le musée du Puy a conservé un tableau célèbre où, selon un motif traditionnel, la Sainte-Vierge est représentée en « Vierge de Miséricorde, » Mater omnium. L’aspect de ce précieux tableau, parsemé de fleurs de lys, le costume des personnages, le faire de l’artiste, tout se rapporte à la date approximative de 1420, quand le Puy était le soutien des Lys et quand le Dauphin Charles multipliait son séjour et ses dévotions dans la ville du sanctuaire. La Vierge tient dans ses bras l’Enfant Jésus ; deux saintes (peut-être sainte Catherine et sainte Marguerite) soulèvent les pans de son manteau doublé d’hermine ; et, agenouillés aux pieds de la Vierge, tous les représentans de l’Eglise militante se pressent, se serrent, comme des poussins, près de leur mère, implorant pitié et miséricorde[4]. Ce sont les chefs de l’Eglise, le Pape, un cardinal, un évêque, puis tous les ordres monastiques représentés

  1. Pascal, Bibliographie du Vêlai (t. I, p. 7). Gallia Christiana (t. II, 734). — Les Bollandistes sont contraires à cette opinion. Voyez Perdrizet, loc. cit., (p. 91).
  2. Voyez Montezun, l’Eglise Angélique ou Histoire de Notre-Dame du Puy-en-Velay, Clermont-Ferrand, 1854.
  3. Cette coïncidence s’est présentée, cette année même, 1910. On m’assure que le chiffre des pèlerins, au Puy, atteignit peut-être cent mille.
  4. Voyez Perdrizet, la Vierge de la Miséricorde (p. 156).