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qu’elle impétrât paix et concorde au royaume de France[1]. »

En 1420, Le Puy s’était défendu avec la plus grande énergie contre les bandes bourguignonnes. Aussi, le roi de Bourges était, après son père, le dévot de Notre-Dame du Puy. Précisément, en cette année 1420, au retour d’une campagne heureuse dans le Midi, il vint rendre hommage à la Sainte Vierge. Les craintes et l’enthousiasme étaient au comble : « Un cordelier nommé Frère Thomas, du pays de Bretagne, prêchoit parmi le royaume de France, lequel prêcha au Puy, le 26 juillet, et disoit que mondit Seigneur le Dauphin auroit victoire en ladite année sur le roi d’Angleterre et autres ses adversaires et dominerait sur tous autres princes. Item disoit que tôt et bien bref viendroit tel accident, partout le monde, que hommes, femmes, petits-enfans mourroient subitement en dormant, veillant, mangeant, buvant, allant, parlant parmi les rues, le prêtre chantant messe. Et pour obvier à la dite mort enseignoit que chacun se confessât souvent, amendant et corrigeant sa vie... etc. »

Charles VII avait tenu à se faire recevoir chanoine et membre du chapitre ; il avait assisté à des cérémonies magnifiques, vêtu de l’aumusse et du surplis. Pour lui et pour son parti, la Vierge du Puy fut une Notre-Dame des Victoires. Cinq fois, au cours de son règne, il fit le pèlerinage. Après la bataille de Baugé, la bannière du duc de Clarence fut portée et suspendue triomphalement sous les voûtes de la cathédrale[2].

Mais une autre pensée, une autre émotion attirait, en même temps, les foules et explique, plus intimement, l’attraction, exercée par ce sanctuaire, sur la mère de Jeanne d’Arc. Notre-Dame du Puy était, par excellence, le centre de la piété nouvelle qui, dans le culte de la Sainte-Vierge, s’attachait, surtout, au mysticisme de la pureté et de la chasteté.

A tort ou à raison, on racontait que c’était à un évêque du Puy, le fameux Adhémar de Monteil, compagnon de Pierre l’Ermite, que l’on devait le Salve Regina, le plus noble chant en l’honneur de la Vierge, qualifié par saint Bernard d’« Antiphone du Puy[3]. » On disait aussi que c’était au Puy que

  1. Le livre de Podio, (p 192).
  2. Gallia Christiana (t. II, p. 732). — Vallet de Viriville, Charles VII (I, p. 253).
  3. C’est le Salve Regina que chantent les âmes du Purgatoire :
    Salve Regina in sul verde e in su fiori
    Quindi seder cantando anime vidi...
    Purgal., VII, V. 82.