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avec Wiclef et Jean Huss, l’Italie était en pleine Renaissance[1], et la France suivait, de près, le même mouvement. En Espagne, la monarchie des Castilles se fondait. En Portugal, sous l’impulsion de Henri le Navigateur, les grands périples qui allaient découvrir les mondes nouveaux étaient commencés. Gutenberg inventait l’imprimerie.

Jeanne d’Arc, tout ignorante qu’elle fût, n’en est pas moins touchée par le souffle de cette heure unique où la civilisation moderne se gonfle en un bouton prêt à fleurir.

Jeanne d’Arc n’est plus du moyen âge ; elle n’en a ni la figure énigmatique, ni la rigidité sépulcrale. Toute spontanéité, vivacité et clarté, elle est déjà une fille de la France « moderne ; » sa naïveté champêtre respire tout ce qui flotte d’air sain et vivifiant autour d’elle.

Le XVe siècle, le quattrocento des Italiens, c’est l’époque du chaperon : visage découvert et robe longue, « Toison d’or, » « Gentil Dauphin, » — pour employer l’expression même dont Jeanne salue son prince et qui répond le mieux à son idéal Ce n’est pas son portrait, mais c’est sa ressemblance qui se retrouve dans les innombrables monumens iconographiques du temps, dans les sculptures des églises et des hôtels de ville, dans les tapisseries fleuries de couronnes et de lys, où la vierge dompte la licorne, dans les tableaux où les bons peintres de France ou des Flandres racontent pieusement les épreuves des sainte Ursule et des sainte Marguerite, dans les estampes que la xylographie multiplie aux Ars Moriendi et allons jusqu’à dire dans les figures du jeu de cartes où les représentations du « Bestiaire » humain sont à la fois si amusantes et si magnifiques. Lancelot, La Hire tiennent l’épée ; leurs attitudes et leurs costumes, maintenant stylisés, exposent les enthousiasmes et les goûts du temps où l’ingénieuse invention amusait la folie du pauvre roi Charles VI. L’héroïne marche ainsi dans l’histoire, entourée d’une chevauchée de pages en chaperon et de « valets de cœur. »

Sous le casque en calotte, sans masque ni bavière, qu’on nommait capeline, la vierge guerrière ressemble au saint Maurice à la figure ronde et imberbe, à la physionomie souriante, si souvent sculpté, alors, au portail des cathédrales. Les églises de

  1. Le concours des portes du Baptistère de Florence, 1403 ; — la voûte du Dôme, 1423-1436 ; — Masaccio, 1401-1428.