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pas plus heureuses. Il serait facile d’établir le fait de communications constantes entre la royauté française et la Papauté à cette époque ; il ne fallait pas plus de quinze jours à un messager pour aller de Paris à Rome[1]. Le journal et la correspondance de Morosini suffiraient pour prouver, qu’en Italie, on suivait attentivement les événemens qui accompagnaient l’apparition de Jeanne d’Arc. Un clerc français de la suite du pape Martin V notait avec enthousiasme les progrès de la mission, en signalait le caractère divin dès l’époque de la délivrance d’Orléans et donnait un portrait très exact de la Pucelle dans cette note si précieuse ajoutée au Breviarium historiale et que M. L. Delisle a publiée[2]. Les rapports de la France et de l’Italie étaient constans et les intérêts des deux cours étroitement mêlés. Je sais qu’il s’agit d’une des époques les plus troublées de l’histoire pontificale. Mais Martin V et Eugène IV, qui occupaient alors le Saint-Siège, n’étaient pas des errans. Les registres de cette époque subsistent. Peut-être retrouvera-t-on, dans quelque réduit ou dans quelque armoire secrète, les élémens d’une réponse à cette question si grave : quels furent les sentimens de Rome au sujet de Jeanne d’Arc ?

Une enquête analogue doit être poursuivie en Angleterre et en Ecosse. Les érudits anglais s’en tiennent généralement aux publications des érudits français. Les relations de la France, de l’Angleterre et de l’Ecosse pendant la guerre de Cent ans ont laissé, pourtant, des preuves sans nombre dans les archives du Royaume-Uni. Une enquête minutieuse poursuivie dans les registres de correspondance, dans les comptes publics et privés, parmi les témoignages de toutes sortes reposant dans les dépôts de documens les plus intacts qui soient au monde, comblerait bien des lacunes. Qu’elle soit menée par des Français ou par des Anglais, cette enquête ne doit pas être retardée plus longtemps[3].

  1. Le 16 août 1426, un messager vint de Bruges à Venise, en treize jours ; il est vrai qu’on signale ce voyage comme accompli très rapidement : molto prestamento. Chronique Morosini, II, p. 185.
  2. Nouveau témoignage relatif à la mission de Jeanne d’Arc, public par L. Delisle, Champion, 1885, in-8.
  3. Le livre de M. A. Lang, d’ailleurs exact et distingué, n’a rien d’original au point de vue de la documentation. Il y a un petit volume de M. Rabbe, Jeanne d’Arc en Angleterre, consacré surtout à exposer l’attitude des historiens anglais et de la littérature anglaise à l’égard de Jeanne d’Arc. En dehors de l’incomparable recueil de Rymer, la plus précieuse publication est celle de M. Joseph Stephenson Letters and Papers illustrative of the wars of the English in France during the reign of Henry the sixth ; mais elle date déjà de 1864. — Je mentionnerai encore le livre de Delpit, Collection de Documens français qui se trouvent en Angleterre, 1847, in-4o ; et Mirot et Deprez, les Ambassades anglaises pendant la guerre de Cent ans (1327-1400). Catalogue analytique dans Bibliothèque de l’École des Chartes, LXI, p. 40 et sq. (trois articles).