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perdu deux mille voix depuis les élections dernières. C’est d’ailleurs un des caractères les plus frappans de la journée du 24 avril, que les radicaux-socialistes réélus l’ont été avec une diminution notable de leur contingent antérieur, tandis que celui des modérés a sensiblement augmenté. M. Brisson n’est pas le seul radical-socialiste important qui soit resté en ballottage ; il y a aussi M. Dubief, M. Lafferre, M. Guieysse, M. Buisson, etc. ; les avances qu’ils ont faites au parti socialiste ne les ont point sauvés, au moins au premier tour de scrutin. Nous ne confondons pas M. Millerand avec les hommes du bloc, puisqu’il a eu le courage de le combattre et qu’il a même, en le qualifiant d’abject, appliqué au gouvernement de M. Combes la plus sanglante des épithètes ; mais enfin, lui aussi est en ballottage à Paris, où il est menacé par un socialiste unifié. Ces derniers sont d’ailleurs fort loin d’avoir obtenu les succès sur lesquels ils comptaient ; ils tenaient la dragée très haute aux radicaux-socialistes et annonçaient volontiers qu’ils prendraient la place d’un grand nombre d’entre eux. Les gains qu’ils ont réalisés sont jusqu’à présent négligeables, et le plus éloquent de tous, M. Jaurès, est ballotté dans la deuxième circonscription d’Albi. M. Jaurès a déjà rencontré des revers, à côté de ses succès, dans sa carrière politique ; on ne sait pas encore si l’élection où il est en suspens sera pour lui une victoire ou un échec, mais sa fortune électorale subit, pour le moment, une éclipse. Qui l’aurait dit, lorsque, il y a quelques années à peine, il était sans conteste l’homme le plus influent et presque le maître de la majorité gouvernementale ? Il était le Jupiter de l’Olympe ministériel. Les temps sont bien changés ! M. Jaurès a commencé par perdre son influence sur la Chambre : l’a-t-il perdue aussi sur son arrondissement ? On le saura le 8 mai.

Nous avons dit qu’une des causes qui avaient agi le plus activement sur le pays pour l’arrêter dans sa course imprudente vers la gauche, était la préoccupation des réformes fiscales ; mais que ce n’est pas la seule. Une autre, en effet, n’a pas été moins efficace, à savoir la fatigue et le dégoût des procédés d’administration et de gouvernement employés par les radicaux. Ces procédés, dont l’invention appartient à M. Combes, continuent d’être appliqués, avec moins de force, il est vrai, mais non pas avec moins de persévérance. Combien de fois n’avons-nous pas répété que si M. le président du Conseil parlait fort bien, ses préfets, ses sous-préfets, et généralement tous les agens de son administration agissaient très différemment, et tenaient peu de compte de ses discours ? L’action administrative ne