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LA TRANSFORMATION DE LA CHINE.

bien forcé d’ajourner la décision prise jusqu’à ce qu’il ait trouvé des fonds par ailleurs. Souvent il s’écoule un temps considérable entre la conception et la réalisation d’un projet, entre l’apparition d’un décret et sa mise en vigueur. Il y aurait bien la ressource de recourir à un emprunt, mais emprunter n’est pas une solution désirable. Déjà une dette de trois milliards et demi grève lourdement le budget de la Chine : pour payer deux cents millions d’intérêts et d’amortissement, elle a dû donner en garantie ses douanes maritimes et indigènes et le monopole de la gabelle ; elle n’a plus à livrer que des concessions territoriales ou politiques qui aliéneraient sa liberté, ce dont elle ne veut à aucun prix. Quant à des emprunts nationaux, la Chine ne pourrait guère en émettre avec succès, depuis que les infortunés souscripteurs de celui de 1895 ont perdu tout espoir de recouvrer le capital et de toucher les intérêts. C’est de son sein et de ses propres ressources qu’elle devrait tirer les revenus nécessaires à sa transformation rapide.

Elle peut espérer d’ailleurs y arriver par ses propres moyens en réformant son système financier, en augmentant le rendement de ses impôts, en établissant des taxes nouvelles. Le système financier chinois est à l’état chaotique. En haut de l’échelle, le ministère des Finances n’a que des attributions vaguement définies ; son contrôle est loin de s’étendre à toute la matière financière et son rôle se borne à répartir pour quelques besoins généraux, comme l’entretien des troupes, les rentrées effectuées. Il n’est pas le seul d’ailleurs à s’occuper des questions budgétaires ; chacun des autres départemens a dans ses attributions la partie financière qui intéresse son administration : chacun fixe ses dépenses et s’efforce de trouver les ressources destinées à y faire face ; chacun envoie dans les provinces les instructions ayant trait à ses affaires. Aucun ministre n’a souci des intérêts du voisin. La confusion est d’autant plus grande qu’il n’existe pas de service financier proprement dit et distinct de l’administration. Ce sont les vice-rois et les gouverneurs, les préfets et les sous-préfets qui sont les agens du fisc. Ils sont en même temps percepteurs et fermiers de l’impôt. Un comité qui assiste le vice-roi répartit entre les districts le total des impôts dont la province a besoin et des contingens qu’elle est mise en demeure de fournir au gouvernement central. Chaque district doit produire une somme déterminée ;