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LA TRANSFORMATION DE LA CHINE.

politiques par la pratique de la vie parlementaire dans les conseils provinciaux qui fonctionnent déjà. Il termine par une solennelle promesse de convoquer le Parlement à l’époque précédemment fixée lors de son avènement, c’est-à-dire à la huitième année du règne, « conformément, d’une part, à la sainte volonté de nos ancêtres défunts qui nous ont prié de bien gouverner l’Empire et nous ont laissé la lourde charge de préparer le régime constitutionnel et de mener à bien la réalisation complète de ce régime et, d’autre part, à l’espoir du peuple qui nous est si attaché et qui en donne une preuve par les sentimens patriotiques exprimés dans la pétition et dont nous ressentons une joie profonde. »

Cette transformation de la mentalité, bien plus remarquable encore que l’installation du télégraphe et du téléphone et que la création des chemins de fer, est un indice que le mouvement réformiste ne procède pas d’un engouement éphémère. Un autre trait qui le caractérise montre qu’il est réfléchi et raisonné : c’est le cachet national dont il revêt ses emprunts faits à la civilisation occidentale. L’esprit chinois, accessible aux nouveautés, accueille bien nos inventions, mais il en tire ce qui lui convient. En nous prenant ce qu’il leur faut, les Chinois entendent rester eux-mêmes. Dans l’armée, l’uniforme des troupes dressées à l’européenne garde l’aspect asiatique : c’est le costume national avec quelques attributs militaires empruntés aux armées de l’Europe. Dans les concessions de chemins de fer, ils se réservent avec un soin jaloux la direction et la surveillance de l’exploitation. Le même particularisme se manifeste encore dans l’emploi du téléphone dont ils prétendent faire un usage purement chinois, et c’est pour cela que, dans les ports ouverts aux Européens où le service téléphonique est public, ils n’ont pas voulu que l’administration fût reliée aux abonnés. De même en ce qui concerne la réforme constitutionnelle, la Chine n’entend pas copier servilement notre régime parlementaire. On peut conjecturer, à certains indices et d’après ce qui a transpiré des dispositions du gouvernement, que, toujours soucieuse de relier le progrès à la tradition, elle nous donnera le spectacle d’une Constitution originale, et qu’elle coordonnera d’après ses vues propres ses organes déjà existans, conseils provinciaux, congrégations de marchands, groupemens d’intérêts, pour en faire la base de son système représentatif.