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LA TRANSFORMATION DE LA CHINE.

de défense, partie de Pao-tsing-fou, prenait la position en flanc et l’arrêtait. La réussite de ces manœuvres causa aux officiers étrangers une impression profonde. Il est vrai que toutes les opérations avaient été réglées à l’avance très minutieusement par des officiers japonais attachés à l’armée comme officiers d’état-major. Les manœuvres de 1906 mirent en présence les divisions du Petchili et celles du Yang-tsé. Les deux vice-rois, Yuen-she-Kaï et Tchang-tsé-Tong, les commandaient. Beaucoup plus d’initiative que l’année précédente avait été laissée au commandement et on changea même, pour faire une expérience plus complète, les dispositions précédemment indiquées. L’officier parut manquer d’initiative, il y eut de la confusion, et certains en purent conclure que l’armée chinoise, excellente aux exercices de parade, n’était pas encore prête à faire face à un adversaire qui la mettrait en présence de situations imprévues. Les dernières manœuvres de 1909 auxquelles a assisté un officier français, le colonel Valette, en faisant ressortir les progrès réalisés depuis, ont montré que l’automatisme des mouvemens n’empêchait pas chez les troupes chinoises une remarquable aptitude manœuvrière, et que ces dernières pouvaient désormais faire figure honorable devant de bonnes troupes européennes. Mais le trait le plus saillant qu’on puisse citer du changement d’esprit chinois en matière militaire, c’est que l’Empereur, représenté dans la circonstance par le prince régent, s’est déclaré généralissime de toutes les forces chinoises, et qu’ayant pris ce titre, il a accepté de porter un modèle d’uniforme qui devient le vêtement militaire des empereurs de Chine, jusqu’ici complètement étrangers aux choses de la guerre. Cet uniforme est conçu selon le modèle des uniformes européens et sera porté par le régent pour recevoir les officiers et les marins et pour assister, le cas échéant, aux manœuvres. Jamais un empereur de Chine n’avait jusqu’ici assisté aux manœuvres. Et quel espace parcouru depuis la tentative avortée de Kang-You-Wéï !

Le sentiment militaire a éveillé à son tour chez le Chinois le sentiment patriotique qu’il ne comprenait point, du moins tel que nous le concevons en Europe. En 1860, l’armée française trouva autant de coolies qu’elle en voulut pour sa marche sur Pékin. Les coolies dressaient les échelles contre les murailles et, montant avec nos soldats à l’assaut des murs de Takou, ils les aidaient à prendre les forts chinois. Pendant la guerre du Tonkin