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LA TRANSFORMATION DE LA CHINE.

Depuis un temps immémorial, la population chinoise sait user des pétitions et pratique les référendums ; même, durant diverses périodes, les fonctionnaires étaient élus par les notables et aujourd’hui encore, ils sont invités par eux à démissionner quand ils ont déplu.

En somme, du vaste plan général de réformes qui a été élaboré, la réorganisation de l’armée, de l’enseignement, l’extension du réseau des voies ferrées, la réglementation, en attendant la suppression, de l’usage de l’opium sont en bonne voie. Les lois constitutionnelles sont toujours l’objet d’études que rien n’empêche de considérer comme sérieuses. En matière judiciaire seule on paraît peu avancé et la mise en vigueur des édits n’a eu lieu que dans des districts limités. En s’attachant surtout à la réorganisation militaire, aux chemins de fer, à l’enseignement, à la question de l’opium, le gouvernement est allé au plus pressé. Le reste peut suivre, et c’est une question de justice et de bonne foi que de lui faire crédit. En tout cas, le reproche le plus injuste qu’on peut adresser aux hommes d’Etat chinois est de n’avoir rien fait. Si l’on songe que la conception de ce programme date de dix ans à peine, et qu’a été assumée ainsi la tâche colossale de réorganiser, de moderniser et d’unifier l’un des pays les plus conservateurs, les plus décentralisés, le plus vaste qu’il y ait au monde, on ne peut qu’être étonné de ce qui a été accompli.


II

De ces deux opinions extrêmes le temps seul permettra de reconnaître celle qui est le mieux fondée ; mais, sans prendre position pour l’une ou l’autre d’entre elles, il finit, si l’on veut se faire une idée exacte de la portée réelle du mouvement réformateur en Chine, tenir compte de ce que ce mouvement ne dépend pas seulement de circonstances politiques, économiques ou autres, mais qu’il est surtout le résultat d’un changement profond dans la mentalité même du peuple chinois, qu’il s’est développé avec une ampleur et une intensité extraordinaires, qu’il a gagné d’abord les classes intelligentes, les lettrés, les notables et les commerçans, élite du pays, et s’est étendu dans une partie de la masse populaire. Certes, la modification de l’état d’esprit, des manières de voir, des coutumes et des mœurs d’un peuple sont