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du réseau ferré n’a pas lieu aussi vite que certains l’avaient espéré, c’est que les Chinois, ayant besoin de recourir pour une part aux financiers européens, sont obligés de nouer des négociations laborieuses en vue d’obtenir l’argent aux meilleures conditions. Enfin, si l’on voit encore des Chinois fumer de l’opium, il n’y aurait rien là de contraire aux édits parus, l’usage de la drogue n’ayant été absolument interdit qu’aux fonctionnaires, aux officiers et aux soldats, et tout autre Chinois pouvant, pendant une période de courte durée, continuer à fumer chez lui à la condition de payer une taxe. Les mesures prises contre l’opium ont d’ailleurs donné des résultats certains, les droits sur ce poison étant tombés comme rendement de 475 218 taëls pendant les trois premiers mois de 1908 à 339 669 pendant la même période en 1909. Au Yunnam, un des pays grands producteurs d’opium, la loi a été si sévèrement appliquée que, dès maintenant, il n’y existe plus pour ainsi dire de champs de pavot. Dans son discours d’ouverture à la Commission internationale de l’opium réunie en 1909 à Changhaï, le vice-roi Tuang-Fan a pu dire que, depuis l’édit de septembre 1906 qui avait entamé la guerre contre l’opium, la surface cultivée en pavots était largement réduite et que la consommation avait diminué de moitié.

D’autre part, le recul de l’octroi d’une Constitution à une époque encore éloignée n’implique nullement que le gouvernement ait l’arrière-pensée de ne pas l’accorder, mais bien que la Cour entend ne pas se lancer à la légère dans la voie nouvelle et qu’elle veut procéder progressivement. Elle se rend compte que le peuple ne peut avoir qu’une Constitution politique en rapport avec son développement intellectuel et ses vertus civiques. Dans cet ordre d’idées, il y a encore beaucoup à faire, et les dirigeans de la société chinoise doivent, pour parvenir à leurs fins, commencer par entreprendre une œuvre d’éducation politique. Dans les hautes sphères chinoises, bon nombre d’hommes parlent et agissent comme s’ils étaient persuadés qu’une bonne Constitution doit donner une certaine vigueur à l’Empire et fortifier la position du gouvernement vis-à-vis de l’étranger. La Chine est mieux préparée qu’on ne pense à la mise en pratique du régime représentatif. C’est ainsi que le corps des censeurs constitue déjà un contrôle public de la nation sur le pouvoir, et que les associations provinciales, les guildes de marchands, pratiquent les élections à un ou plusieurs degrés.