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je ferai de même que M. Guérin[1]. Je la ferai à Paris. Mon cher monsieur Forestier, faites-moi la grâce de répondre le plus promptement possible à cette lettre que j’écris sans savoir comment elle sera reçue. Si elle vous déplaît ou que vous me donniez vos bonnes raisons, ne me dites pas : Monsieur Ingres, vous pouvez vous regarder comme parfaitement libre. Je ne veux point être libre, moi, mon esclavage est si doux avec vous puisque je suis assez heureux de vous intéresser à ce point. Ainsi donc, mon cher monsieur Forestier, j’attends ce que votre sagesse aura fait et dicté, car je m’en rapporte entièrement à votre bon jugement, et croyez que, si je me trompe, je suis invariable dans l’attachement que je vous porterai tant que durera ma vie, et que tout ce que je fais et dis est toujours pour le mieux, et vous prie de plus d’être mon avocat auprès de ma bonne dame Forestier à qui je ne sais comment parler aujourd’hui, tant sa dernière lettre m’a fait de peine. Je vous prie de me mettre à leurs pieds, jusqu’à ce qu’elles veuillent bien me relever et mieux penser de moi, ce qui me fait la plus cruelle peine. J’attends donc, mon cher monsieur Forestier, votre réponse qui doit entièrement tout finir et conclure et ne puis assez vous répéter que je ne veux rien contrarier, ni fâcher personne encore moins, et que votre chère réponse, telle qu’elle soit, ne pourra rien changer aux tendres sentimens que vous et les vôtres m’avez inspirés, je ne sais en dire davantage pour le moment ; ma première, j’espère, me conciliera tous les pardons que Dieu le veuille !

« INGRES. »


Quand cette lettre parvint à M. Forestier, Ingres en recevait une qui le déterminait encore à préciser la situation.


HENRY LAPAUZE.

  1. Guérin rentra à Paris sans avoir terminé ses années de pension à l’Académie de France à Rome.