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étant arrivée tard, car les pluies et les giboulées de mars couvrent l’Italie et j’éprouve même, à mon château de Saint-Gaëtan, des secousses qui en font un vrai château branlant. Celle-ci est donc pour vous bien remercier de ce que vous m’aimez toujours, par les preuves que vous m’en donnez ; mais après vous avoir annoncé un malheur, vous saurez qu’il vient de m’arriver un bonheur tout récent. Trois pensionnaires avaient, sans m’en avertir charitablement, demandé par une pétition particulière au ministre de toucher l’année de l’an 14 qui leur était due comme à moi et que M. Suvée, par une économie mal entendue, nous retenait. J’étais moi-même désolé de cela, vous le savez. Le ministre, au lieu de ne l’accorder qu’à trois, l’a accordée à tous ceux qui se trouvaient dans les mêmes cas et prétentions, et comme il s’est trouvé de l’argent en caisse, le bon M. Paris nous a escompté cette somme. Pour moi, elle était de neuf cents francs. Il a retenu les vingt-cinq louis avancés à moi par M. Suvée et il me reste une centaine d’écus, et, cette grande dette payée, vous jugez si cela m’arrange et doit me faire plaisir. J’espère donc que cette lettre arrivera encore assez à temps pour vous éviter de voir M. Robillard, ce que vous m’annoncez dans votre dernière. Je suis touché de reconnaissance pour la bonté de votre cœur envers moi, mon cher monsieur Forestier. Je vous ai la même obligation, mais vous voyez qu’avec mes mois francs, que je vais toucher dès à présent, je serai assez riche pour ne rien refuser aux soins que je dois porter à mes ouvrages. Je vous dirai aussi que notre bon M. Paris a eu de grandes bontés pour moi. Mon atelier de Saint-Gaëtan n’était point plafonné, et, lorsque j’ai voulu y travailler, il en tombait des morceaux de poussière et de terre ; il m’a fait donc faire un plafond en toile, et, de plus, il m’a fait fermer ma grande croisée qui n’était qu’au couchant et qui m’aurait donné, l’été, beaucoup de soleil, et m’en a fait faire une très belle au Nord, comme mon joli petit atelier des Capucines. Tout cela a retardé un peu mes ouvrages, mais je regagnerai bien le peu de temps perdu, car tout cela était bien nécessaire, pour ne pas m’arrêter au beau milieu de la besogne. J’ai aussi reçu la lettre incluse dans celle de M. Naudet. Je suis bien enchanté du plaisir que ces petits ressouvenirs vous ont fait et je vous remercie de tout mon cœur des aimables complimens que vous m’en faites. Quant à ma chère Julie, quoique je ne la remercie pas encore, dites-lui que je suis bien reconnaissant