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regretter et vous demande toujours vos plus douces consolations. Tout ce qui vous connaît et vous entoure ne peut rien désirer de plus en vous et moi qui vous aime et vous apprécie le plus, daignez me payer de quelque retour, car vous faites le bonheur de ma vie, vous le savez. Adieu, ma très chère Julie, je quitte la plume pour vous embrasser du meilleur de mon cœur, vous, le cher papa et la chère maman. Adieu, mes bons et bons amis.

« Vous voudrez bien demander six francs sur mon petit argent à votre cher papa, pour les donner vous-même de ma part à la bonne Clotilde en mémoire de ce jour. Adieu, ma chère Julie. »


Le 2 janvier 1807, Ingres écrivait à Julie seule, par l’entremise de Clotilde. Que se passait-il entre M. Forestier et Ingres ? Visiblement, les reproches qui lui venaient de cette source l’exaspéraient. Son amour pouvait excuser Julie, même quand il sentait qu’elle ne le comprenait pas, mais on pressent que, à la longue, il pourrait se cabrer devant les injustices de M. et de Mme Forestier surtout s’ils persistent à le taxer d’égoïsme et d’ingratitude.


« Rome, ce 2 janvier 1807.

« Je réponds sur-le-champ à votre dernière que je reçois aujourd’hui ; mais, ma très chère amie, pouvez-vous gronder ainsi votre ami ? Votre papa a dû recevoir une lettre de dix pages, depuis celle du 22 octobre, que j’ai écrite sitôt celle de votre papa reçue, et trois ou quatre jours après, je vous ai aussi écrit où j’ai inséré un mot pour Mme Cluchard. Je serais désespéré si ces lettres, que j’ai moi-même jetées à la poste, chose que je fais toujours moi-même, étaient égarées ; j’espère cependant que non et que dans ce moment vous me rendez tous plus de justice. Qui plus est, j’ai écrit encore avant-hier trente décembre[1], au papa, à la maman et vous, ma chère, dans la même lettre où je n’ai pas oublié le jour de l’an. Ah ! mon aimable amie, pouvez-vous avoir de moi pareille idée de négligence ! Il est vrai que je m’en suis souvent rendu coupable, mais vous m’avez appris à vivre, ma chère amie, et ne vous en veux nullement aujourd’hui, au contraire, c’est la marque la plus sûre de son attachement. Mais, cependant, faites-moi la grâce d’une lettre plus gentille

  1. Sa lettre est datée du 25 décembre 1806.